Les Palestiniens prennent au sérieux le plan de « séparation » d'Ariel Sharon, chef du gouvernement israélien, car ils y voient l'application, sur le terrain, de la construction de la « barrière de sécurité », dans son tracé en cours. Un des plus éminents intellectuels palestiniens – rappelle le professeur Dary Rubinstein – le recteur de l'université de Bir Zeit, Ali Jarbaoui, a publié ces derniers jours un projet de réaction palestinienne au plan de Sharon, présentant une sorte d'ultimatum aux Palestiniens « s'ils ne démantèlent pas les infrastructures du terrorisme, selon la feuille de route, Israël procédera à la «séparation unilatérale ». Le professeur Ali Jarbaoui propose une contre mesure : « Si Israël accepte la solution des deux Etats, il doit geler les implantations, cesser la construction de « barrière de sécurité », accepter la formation d'un Etat palestinien dans les frontières de 1967 et résoudre la question des réfugiés. Un délai de six mois lui sera accordé. Si, au bout de ces six mois, Israël rejette ce plan et maintient la « séparation unilatérale », l'Autorité palestinienne se sabordera, volontairement, contraignant Israël à réoccuper la rive occidentale du Jourdain et Gaza. Il y a, actuellement, des discussions à ce sujet, parmi les dirigeants palestiniens. Les uns la soutiennent, d'autres présentent des amendements : le grand problème à leurs yeux étant le démantèlement de l'Autorité palestinienne. Les opposants disent : « Israël pourrait ne pas prendre en charge les territoires et il s'en suivra, alors, une anarchie générale, dont certains voient déjà des signes. Le président Yasser Arafat et la direction palestinienne sont unis dans la même opinion. Le plan de séparation et la construction de la barrière dans son tracé actuel constituent un pas décisif qui vise à fixer, unilatéralement, une nouvelle forme d'occupation, ne laissant aucune place à la formation d'un Etat palestinien viable. Il s'agit, selon des analystes, de l'arrière-plan de la déclaration d'Ahmed Qorei (Abou Alaa), en faveur d'un Etat binational. Cette même idée avait pris corps au sein de l'OLP il y a trente ans (dans les années soixante dix), sous forme d'un « Etat laïc démocratique » sur tout le territoire de la Palestine. Israël avait jeté catégoriquement cette idée, en y voyant « une opération palestinienne pour ne pas reconnaître Israël, voire pour détruire l'Etat d'Israël ». Au plus haut de la première Intifada, en 1988, un nouveau tournant de l'OLP a adopté l'idée des deux Etats, pour les deux peuples. A présent, cette idée étant remise en cause par le plan Sharon de « séparation unilatérale », les Palestiniens reviennent à la proposition des années 1970 « un seul Etat pour les deux peuples ». La presse palestinienne rend largement compte, aujourd'hui, des réactions négatives contre cette idée, également, en Israël. Elle rapporte la manifestation des 120.000 militants religieux ou d'extrême droite, qui s'est tenue dimanche dernier à Tel-Aviv. Le nombre est impressionnant, mais il est étrange que cette manifestation ait été organisée, non par l'opposition mais par des partis membres de la coalition du gouvernement Sharon : l'Union nationale religieuse et l'Union nationale d'Avigdor Liberman (allié de Netanyahou), ces dirigeants et militants des colonies de Cisjordanie et de Gaza, sont contre le plan Sharon en le rejetant par le slogan « Israël ne veut pas se replier ». Ils voudraient « lui lier les mains pour l'empêcher de mettre à exécution ses concessions douloureuses et son plan de séparation unilatérale ». D'autre part, l'opposition immédiate des Américains au plan Sharon a incité le Président Arafat à réunir, d'urgence, la direction de l'OLP pour réaffirmer « le droit légitime des Palestiniens à proclamer la création – même unilatérale -, de leur Etat dans les frontières de 1967, avec Jérusalem comme capitale ». Ceci signifie, selon des analystes experts, la réaffirmation du soutien, par le Président Arafat et l'Autorité palestinienne, de la « feuille de route » et de la solution des deux Etats. L'idée de « l'Etat binational » ne paraissant à l'heure actuelle qu'une menace adressée à Israël, alors qu'elle représente la réponse de la menace de Sharon à une « séparation unilatérale », réduisant le territoire palestinien qui ne laisse pas place à un Etat palestinien acceptable.