La guerre en Irak aurait été planifiée d'avance. Des révélations à l'emporte-pièce d'un ancien ministre doublées d'un rapport sévère issu de l'armée mettent à mal l'Administration Bush. Paul O'Neil a tout balancé. Remercié en 2002, suite à un remaniement ministériel, l'ancien secrétaire américain au Trésor a déclaré dimanche avec force détails et documents qu'il n'avait vu aucune preuve de l'existence d'armes de destruction massive en Irak lors de son passage au sein de l'Administration Bush. Plus grave encore, selon cet ex-haut fonctionnaire, surnommé déjà le Dr Kelly Américain, Bush est arrivé au pouvoir en 2001 avec un objectif déjà tracé : renverser Saddam Hussein. Le tollé provoqué par ces déclarations est tel que, plus que l'enquête administrative déclenchée aussitôt, soit 24 heures après l'émission accordée à la chaîne CBS, dans le but de trouver si O'Neil n'a pas balancé un document confidentiel au cours de l'émission, le président Bush lui-même a été obligé de s'expliquer. Mais la réaction du président américain, lundi, depuis le Mexique où se tenait le Sommet des Amériques, n'a fait qu'attiser la curiosité des citoyens et des médias américains. « Notre Administration était comme la précédente, en faveur d'un changement de régime en Irak », a-t-il répondu sobrement, en évitant de tomber dans la polémique des armes de destruction massives. « Aujourd'hui, déclare-t-il, Saddam Hussein n'est plus au pouvoir et le monde est plus sûr». Bref, ce ne sont pas les propos de Scott McClellan, porte-parole de la Maison-Blanche , selon qui, les critiques de O'Neill, reflétaient davantage des "opinions personnelles" qu'elles n'étudiaient les "résultats" de la politique américaine, qui vont arranger les choses. Au fur et à mesure que l'échéance décisive de novembre approche, le candidat républicain aura à solliciter son argumentaire pour éteindre les polémiques suscitées par les armes de destruction massive. Le rapport de 56 pages du très sérieux collége de Guerre de l'Armée américaine, risque de peser lourd sur la reconduction à la présidence. Selon ce document, l'invasion de l'Irak a été « une guerre préventive inutile». Le collège reproche à Bush d'avoir détourné l'Amérique de son objectif principal, « la guerre contre le terrorisme » et privé les USA de ressources importantes. L'auteur du rapport, Jeffrey Record, est un expert des questions de défense, actuellement au service de l'Institut d'études stratégiques du Collège de guerre de l'armée américaine. Le président Bush n'a pour le moment fait aucun commentaire sur ledit rapport. Toutefois, un haut responsable du Pentagone a estimé que Record est en droit de penser ce qu'il voulait mais que pour l'Administration Bush, la guerre en Irak constitue le front central de sa « Guerre contre le terrorisme ». S'exprimant avec le légendaire flegme propre aux Américains, Lawrence Di Rita, chef de la communication du Pentagone, a minimisé l'importance de ce rapport qu'il n'a pas lu, ajoutant qu'il ne savait pas si Donald Rumsfeld, le chef du Pentagone, le lirait. Les commentaires dans les milieux politiques ne se sont pas faits attendre. Le milliardaire américain, Georges Soros qui a promis de dépenser 12,5 millions de dollars pour barrer la route de la réélection à Bush a déclaré que le président américain a "utilisé la guerre contre le terrorisme comme un prétexte pour mettre en œuvre un rêve de suprématie américaine ni réalisable ni souhaitable". L'attitude de l'Administration américaine, exemptée des contraintes du droit international, selon M. Soros, rappelle le célèbre livre de George Orwell, 'La ferme des animaux', dans laquelle tous les animaux sont égaux mais où certains sont plus égaux que d'autres". En attendant, Bush reste toujours sur la poursuite des objectifs majeurs telles que la destruction de la nébuleuse Al Qaîda, la stabilisation de l'Irak, la démocratisation du Proche-Orient, objectifs qui ont pris le pas sur la neutralisation des armes de destruction massive. Le Premier ministre britannique a déjà donné son avis sur cette dernière question : «les armes de destruction massive pourraient ne jamais être trouvées », a-t-il déclaré. Pour Tony Blair, qui s'exprimait dans une interview diffusée dimanche dans le cadre du programme "Breakfast with Frost" de la chaîne de télévision BBC1, a indiqué que "la meilleure réponse à la question de savoir si ces armes existaient en Irak serait: "je ne sais pas". Ce qui ne l'empêche pas d'affirmer que le chef d'état-major des Forces armées britanniques, Sir Michael Walker, et d'autres responsables du ministère de la Défense disposaient d'informations sur l'existence des ADM en Irak. En septembre 2002, le même Blair affirmait que le programme d'ADM irakiennes était actif et détaillé. Le changement de ton du Premier ministre britannique est toutefois moins spectaculaire si on le replace dans son contexte, à quelques jours de la publication du très attendu rapport du juge Lord Hutton sur le suicide apparent du scientifique britannique, David Kelly. D'un côté comme de l'autre de l'Atlantique, la polémique sur les ADM reste donc entière.