Le rugby marocain traverse actuellement une grave crise. Colporter et clamer un discours qui déborde de satisfaction ne peut indéfiniment impressionner. Le rugby marocain est érigé sur un édifice creux et trompeur. La crise du rugby marocain est d'abord institutionnelle. L'avis de Said Benamar, un passionné du ballon ovale. A la base, il est constitué, pour une bonne part, par des clubs boiteux ou fictifs. Des «clubs» qui apparaissent et disparaissent, la durée d'une «assemblée générale» ; d'autres qui font de la figuration, des années durant avec une simple équipe scolaire ; d'autres enfin, qui ne disposent même pas du strict minimum de moyens matériels, (en l'occurrence un terrain et un siège), de l'équipement indispensable (ballons et maillots), et d'un effectif minimum de joueurs et de cadres (la transhumance dans le rugby n'a pas d'équivalent dans les autres sports). La quasi-totalité des clubs de rugby fonctionne dans l'informel, grâce à la récupération et au recyclage. Déstructurés et déstabilisés, ces clubs ne produisent que la médiocrité à l'image de la reproduction de la copie pâle du championnat, sans enjeu et sans jeu. Au sommet, la FRMR est coiffée par un comité directeur, dont les membres sont choisis par le président, seul élu selon son désir, par une assemblée générale (formée de représentants de clubs), ne disposant pas, elle-même, de cette attribution. Ce comité directeur cumule les attributions des organes, délibératifs et de contrôle. L'Assemblée générale légale et statutaire formée par les représentants des ligues ne s'est pas réunie des années durant. Quant au Conseil fédéral, organe de contrôle et d'administration, il est relégué aux chimères. Les trois ligues légalement constituées ont été (après un démarrage plus ou moins heureux selon les cas) anéanties. Dans sa consistance les principes de la légalité, de la représentativité et de la légitimité, n'ont pas droit de cité. Le même représentant peut porter la casquette de représentant de club, de la ligue, siéger au comité directeur, et bénéficier des avantages (subsides) que pourrait lui procurer la qualité d'arbitre et d'entraîneur, etc. Le manque de moyens n'est pas une raison suffisante pour expliquer la crise que vit le rugby. La faiblesse des moyens ne peut, en aucun cas, justifier la sclérose et la déstructuration des institutions fédérales. Les chiffres sont là, pour prouver que, reportées au nombre de licences des pratiquants réels, les subventions accordées par l'autorité de tutelle et par l'IRB, ajoutées aux dépenses effectuées par les clubs, feraient de la dépense occasionnée par un joueur de rugby par an, une des sommes les plus élevées comparativement à d'autres sports, pourtant plus populaires. L'insuffisance est d'ordre institutionnel; elle est sans doute due à la carence des acteurs. Celle de l'autorité de tutelle en premier lieu. Celle-ci est dépositaire de la gestion du cadre légal, de la mise en œuvre de l'activité rugbystique (entre autres) et de la politique du sport d'une manière générale, conformément à la législation en vigueur. Le propre du pouvoir de tutelle est de garantir la légalité organisationnelle et fonctionnelle des institutions et protéger les intérêts des ressortissants de l'action publique. L'autorité de tutelle dispose, au besoin, du pouvoir de réformation, d'annulation ou de substitution. Cette tutelle administrative est doublée d'une tutelle financière, qui peut, ne serai-ce que sur la base d'un audite, clarifier la situation. La responsabilité de l'autorité de tutelle ne dispense, sans doute pas, les autres acteurs, notamment les clubs, d'assumer leurs responsabilités. La reconnaissance juridique qui leur est octroyée, leur confère des droits et des obligations. Ils disposent d'attributions substantielles et de pouvoirs réels. Ils ne peuvent se cantonner à l'infini dans l'attentisme et la passivité et attendre que l'autorité leur procure avantages et bien-être. Le département de tutelle n'est ni une vache à traire, ni le mur des lamentations. La FRMR ne peut fonder son existence et sa pérennité sur une association de canards boiteux. Un minimum vital est exigé pour constituer un club de rugby. Le seul désir ne suffit pas. S‘il est toujours recommandé de faire du sport, nul n'est obligé de choisir le rugby. L'orientation qu'il faut imprégner au mouvement doit se diriger vers le haut. C'est sans doute la tâche à laquelle l'autorité de tutelle voudrait s'atteler durant l'année 2004. L'intention est clairement affichée. La réunion prévue le vendredi 09 janvier 2004 sur l'initiative du Secrétariat Général des Sports, peut être considérée comme un événement fondateur. A charge des différents partenaires d'être à la mesure de cet événement. On ne peut, toutefois, raisonnablement s'attendre à des miracles. Cette réunion ne résoudra pas tous les problèmes. Elle n'inclinera pas forcement les choses vers le changement. Elle ne gommera pas toutes les contradictions et elle cachera mal les luttes d'intérêts… Toute la question est de savoir au profit de qui se fait quoi . Espérons que l'intérêt général ne sera pas omis de l'action et de la réflexion. Organisée par le Secrétariat Général des Sports, au siège même du département, la réunion pour traiter du «rugby marocain entre le texte et le contexte» est significative. Elle est un signe de bon augure. Les textes sont faits pour être appliqués et respectés, c'est, en tout cas, une bonne entrée en la matière.