L'escroquerie est-elle, pour Abdellah, un vice difficile à s'en débarrasser pour mener une vie honnête ou s'agit-il seulement d'un moyen pour gagner facilement de l'argent sans déployer trop d'effort ? Nous sommes au tribunal de première instance de Casablanca. Abdellah se tenait, ce lundi du mois de juin, au box des accusés. Ses yeux fixaient le juge qui feuilletait les documents d'un dossier. Âgé de quarante deux ans, Abdellah ,portait une chemise blanche et un pantalon bleu. Il ne manifestait le moindre regret d'être conduit pour la cinquième fois devant la justice. «Je suis innocent, M. le président…», a-t-il clamé devant le juge. C'est la même phrase qu'il avait répétée lors des cinq précédents procès. Ce père de deux enfants, divorcé depuis dix ans, n'hésitait pas à expliquer au tribunal qu'il était victime d'un coup monté. Pour la sixième fois ? Etrange! «M. le président, il m'a promis le mariage…», a affirmé au juge l'une des victimes à laquelle il a soutiré une somme de trente mille dirhams. «Il a promis de m'aider à avoir un visa pour aller en Hollande…», a précisé une deuxième victime qui a versé un acompte à Abdellah de l'ordre de vingt mille dirhams en attendant de lui remettre le reste d'une somme globale de cinquante mille dirhams. Avec un niveau Bac, Abdellah a été recruté à son vingt et unième printemps dans une société de matériels informatiques. Malheureusement, il a été licencié sans être poursuivi judiciairement après avoir été surpris en flagrant délit de vol. Il a été embauché dans une deuxième société spécialisée dans les crédits de consommation. Suite à une faute professionnelle, il a été licencié et devint chômeur. Faisant la connaissance d'un escroc notoire, il s'est jeté dans ce monde sans fin de l'arnaque. D'un intermédiaire qui se contentait à mettre les victimes dans les filets d'un escroc, il est devenu au fil du temps un arnaqueur professionnel. Il était âgé de vingt-six ans quand il a été arrêté pour la première fois et condamné à six mois de prison ferme. Relâché, il a été épinglé une deuxième fois et a purgé une peine d'un an de prison ferme pour le même motif.Par la suite, il a purgé trois autres peines d'emprisonnement, allant d'un à deux ans. «Je n'ai jamais filouté personne, M. le président…», a précisé Abdellah devant le juge de la chambre correctionnelle. Etonnant. Toutes les victimes qui avaient porté plainte contre lui, tous les policiers qui l'avaient arrêté, tous les procureurs du Roi qui l'avaient interrogé et tous les magistrats qui l'avaient jugé coupable et l'avaient condamné avaient-ils tort ? Le substitut du procureur du Roi a étalé dans son réquisitoire le parcours criminel du suspect. Un parcours qui a poussé sa femme à demander le divorce et la prise en charge des enfants, a affirmé le substitut du procureur du Roi avant de requérir une peine maximale contre Abdellah. Cette peine est de cinq ans de prison ferme selon l'article 540 du code pénal. Cela dit, le tribunal l'a jugé coupable avec circonstances atténuantes. Finalement, il a été condamné à trois ans de prison ferme.