Le Réseau éducation sans frontières tire la sonnette d'alarme face à l'expulsion de jeunes Marocains du territoire français. Dernier cas en date, Jihad Errais. Lucile Daumas, membre du Réseau éducation sans frontières, se prononce. ALM : Dans quel but le Réseau éducation sans frontière-Maroc a-t-il été créé ? Lucile Daumas : Le Réseau éducation sans frontières qui est composé de plusieurs collectifs , mouvements associatifs, mouvements syndicaux et de personnes issues de la société civile a été créé pour lutter contre l'expulsion de jeunes scolarisés en France en raison de la situation irrégulière de leurs parents. Nous avons ainsi créé ce réseau pour exprimer notre indignation face à de telles pratiques. A travers le Réseau éducation sans frontières, nous voulons montrer à ces jeunes qu'il y a des gens qui sont présents pour leur venir en aide et les soutenir. Du jour au lendemain, ils voient leur vie quotidienne, scolaire, familiale et professionnelle anéantie. Leurs projets d'avenir s'effondrent et leur vie est complètement brisée. Quelle est la mission du Réseau ? Ce Réseau s'est assigné pour mission de soutenir les familles expulsées et d'assurer leur accueil. Le Réseau assure également un suivi des cas et un appui dans la recherche de solutions aux problèmes rencontrés. Notre Réseau est de plus en plus sollicité pour venir en aide à de jeunes Marocains expulsés de France. Nous sommes spécialisés dans les dossiers des jeunes scolarisés et leurs familles. Pour ces jeunes qui vivent en France depuis plusieurs années, le passage à l'âge de la majorité devient pour eux un saut à l'illégalité. Pour des motifs divers qui cachent en fait la réalité des choses, à savoir la «politique du chiffre» , ils se voient refuser une carte de séjour et sont mis au centre de rétention pour être ensuite expulsés alors qu'ils avaient une insertion professionnelle minimum. Quelles mesures envisagez-vous pour lutter contre de telles pratiques ? La « politique du chiffre » n'a aucun sens. En 2007, les expulsions ont concerné 25.000 personnes. Pour 2008, il est prévu 26.000 expulsions. Nous demandons au gouvernement français d'étudier les cas de manière individuelle. Il faut également que le Maroc mette en place des structures d'accueil et puisse être en mesure de les orienter dans la mesure où ces jeunes expulsés se retrouvent sans ressources et sans soutien familial au pays. Quelles sont vos actions ? Nous entreprenons plusieurs actions de sensibilisation notamment à travers des rencontres avec des lycéens. Nous avons aussi recours à la presse écrite par la diffusion de communiqué de presse. Nous diffusons aussi l'information par le biais de l'Internet. Parmi les autres actions qui ont été menées par le Réseau, des lettres ont été envoyées au président français Nicolas Sarkozy, au ministre des Affaires étrangères français, Bernard Kouchner ainsi qu'à l'ambassadeur de France au Maroc. Avez-vous des cas précis et pouvez-vous nous en parler ? Actuellement, nous sommes en train d'aider un jeune Marocain qui a été expulsé pour que ce dernier puisse retourner en France et continuer sa scolarité. Le dossier en question concerne Jihad Errais. Ce jeune garçon est né le 25 juin 1988 au Maroc. Il a poursuivi des études à Tineghir (les deux premières années de collège). En août 2003, il rejoint son tuteur en France qui l'inscrit au collège de Thiais où il effectue la 6ème pour non-francophones, la 5ème et la 4ème. En septembre 2006, il intègre le lycée professionnel Armand Guillemin à Orly en 3ème découverte professionnelle. Il est délégué de sa classe et très apprécié de ses professeurs. Il atteint ses 18 ans, fait ses démarches auprès la préfecture pour l'obtention de sa carte de séjour. Plus d'un an après, il n'a toujours pas de réponse.Le voilà devenu sans-papiers. En pleine campagne électorale, alors que se multiplient les contrôles d'identité dans les rues de la région parisienne, Jihad panique et part pour l'Espagne. Son parcours scolaire sans faute est interrompu en mai 2007. Arrêté par la police espagnole le samedi 5 mai 2007, il est conduit au commissariat de Perpignan, interné au centre de rétention de Rivesaltes, présenté au juge le lundi qui lui signifie la décision de reconduite à la frontière. Le jeudi, sa demande de recours est rejetée et il est conduit au centre de rétention de Montpellier. Il y reste jusqu'au jeudi suivant, jour de son expulsion vers le Maroc sur le bateau Sète-Tanger. Arrivé à Tanger le samedi 19 mai 2007, il est accueilli par des membres de sa famille et du Réseau éducation sans frontières (RESF) Maroc. L'avocat, engagé par les professeurs de Jihad depuis la demande de recours, suit la demande d'appel de la décision d'expulsion à Montpellier. Entre-temps, le conseil de classe de fin d'année l'oriente vers un BEP hôtellerie-restauration et il est inscrit au lycée professionnel de Sucy en Brie (Val de Marne) pour préparer un BEP hôtellerie-restauration à partir de la rentrée 2007. Il est urgent aujourd'hui que Jihad puisse obtenir un visa d'études afin d'occuper la place qui l'attend au lycée de Sucy en Brie.