Fragilisé par des affrontements communautaires, le processus de stabilisation, entamé par le président Olusegun Obasanjo élu en 1999, semble mis à mal au Nigeria. Le « géant de l'Afrique » - qui abrite entre 100 et 107 millions de Nigérians –, serait-il menacé par le processus de transition démocratique qu'il a amorcé voilà seulement deux ans? Alors que le président Olusegun Obasanjo s'exprimait dans les colonnes du quotidien français Le Monde sur la dangereuse progression de la Charia Human Rights Watch publiait ce mardi 18 décembre, un rapport sur les affrontements entre Chrétiens et Musulmans, qui auraient fait un millier de morts en septembre. Intégrée par les islamistes dans le nord du Nigeria, la Charia – ou loi islamique – régit actuellement la vie dans douze Etats de la Fédération. Si le président a précisé ne pas vouloir faire la guerre aux islamistes, il a avoué que ceux-ci posaient un sérieux problème pour l'unité nationale, « comme d'ailleurs des mouvements fondés sur l'ethnicité dans le Sud, chez les Yorubas de l'Ouest, chez les Ibos de l'Est ou chez les Ijaws dans le delta du Niger». Le président Obasanjo a également affirmé qu'il essayait d'isoler tous ces extrémistes «pour que les autres Musulmans, les autres Yorubas, Ibos ou Ijaws les perçoivent, eux aussi, comme une menace pour la cohésion nationale». Si la communauté musulmane représente la moitié de la population – soit la plus forte concentration sur le continent africain -, il n'en reste pas moins que sa cohabitation avec l'autre grande communauté, les Chrétiens n'est pas toujours évidente… Lors des affrontements, qui se sont déroulés entre le 7 et le 13 septembre dernier à Jos, capitale de l'Etat du Plateau, des centaines de personnes des deux « camps » ont en effet été tuées. Un rapport de Human Rights Watch, publié cette semaine, parle même d'un millier de décès. Pire, l'ONG affirme que cette tuerie, opérée au centre du Nigeria, aurait pu être évitée si le gouvernement avait écouté les mises en garde de plusieurs organisations humanitaires présentes dans la région. Selon HRW, durant ces six jours de septembre, la ville de Jos est devenue «le théâtre de tueries massives et de destruction pour la première fois dans son histoire, au cours desquelles les Chrétiens et les Musulmans étaient à la fois les auteurs et les victimes». Des milliers de bâtiments ont été détruits ou brûlés, des maisons et des commerces ont été pillés, et plusieurs villages, tels que Dilimi, à la périphérie de la ville, ont été rasés. Peter Takirambudde, directeur exécutif de la division africaine de Human Rights Watch a également indiqué, en s'appuyant sur des témoignages recueillis lors d'une visite effectuée par l'ONG en octobre, que les pouvoirs publics et les forces de l'ordre n'ont pas pris les mesures qui auraient pu sauver des centaines de vies. Il demande à présent au gouvernement de s'assurer que les deux commissions d'enquête finalement créées pour se pencher sur la crise, conduiront à des résultats complets et indépendants, et que les personnes responsables seront poursuivies…