Où va-t-on avec cette presse qui développe une conception liberticide de la notion même d'indépendance dont elle se targue tant cela lui permet de prêcher, au sens littéral du terme, une culture de l'intolérance et des reflexes de lynchage. Mais où va-ton ? Pas encore tout à fait remis de ses émotions électorales, voilà que s'empare du pays une offensive sur les mœurs où tout est prétexte à procès en sorcellerie et propos inquisitoires : Festival de Tanger, baiser entre saltimbanques, fête du vin à Meknès, et cette fameuse fiesta, dont on ne sait si c'est une fête privée ou un pastiche de mariage, qui donne l'occasion à des tombereaux d'hystérie. Je ne connais pas l'histoire de cet homosexuel apparemment notoire dans son recoin, comme c'est le cas de tant d'autres dans ce pays. Et cela ne m'intéresse pas. Mais de là à en faire le symbole de la déliquescence de la société marocaine, il ne faut pas pousser mamie dans les orties comme dit ma fille quand je l'exaspère. Où va-t-on avec cette presse qui développe une conception liberticide de la notion même d'indépendance dont elle se targue tant cela lui permet de prêcher, au sens littéral du terme, une culture de l'intolérance et des reflexes de lynchage. La presse, celle qui marche dans ce pays, repose sur des ressorts infects qu'elle s'ingénie à réveiller chez ses lecteurs. Elle s'évertue à caresser, dans le sens le plus profond, les instincts les plus bas des ses lecteurs en s'adressant à leurs émotions. Elle privilégie la polémique à l'analyse. Elle se permet la calomnie sous couvert de franchise, de vérité et de droiture. Et cela justifie le calembour calomnieux, l'antisémitisme le plus insidieux, la dénonciation nominative des puissants sous prétexte qu'elle serait, elle, le Robin des bois des petites gens. C'est une presse qui se dit ni de gauche ni de droite. Elle a inventé l'idéologie du nulleparisme. Elle a, en revanche, un credo : la défense d'une identité marocaine mythique, purifiée, conservatrice, intolérante, arabe comme il faut. Musulmane comme il faut. Avec pour seul substrat idéologique la dimension darijienne et la richesse proverbiale et ancestrale. Enfin et c'est remarquable, c'est une presse qui privilégie le micro au macro. Le macro, il est vrai, exige épaisseur intellectuelle, connaissance structurée et maîtrise des fondamentaux. A défaut, on s'égare en s'acharnant sur le micro sous prétexte que «le diable se niche dans les détails » jusqu'à oublier la hiérarchie entre l'essentiel et l'accessoire. L'Encyclopédie Universalis de cette presse-là, c'est la grande toile avec tout ce que cela suppose comme inexactitude. Plus grave, elle s'alimente de la culture du Broadcast Yourself, You tube et Dailymotion, c'est-à-dire le summum et à la forme la plus moderne de la délation. Rien ne différencie cette presse des vendeurs de films piratés de Derb Ghallef, cet espace du libéralisme sauvage où rien n'est interdit. Du moins sur la conviction que tout est bon pour vendre. Les ennemis de la liberté n'hésitent jamais à utiliser les bienfaits du libéralisme sauvage pour préparer une société sans liberté. Et si cette presse, par son existence même, témoigne des avancées des libertés dans ce pays. Cela ne l'empêche nullement de le tirer vers le caniveau. Et si elle résonne si fort, c'est par l'écho du silence assourdissant des intellectuels de ce pays.