Le contexte de la visite qu'effectue au Maroc le président français, Nicolas Sarkozy, oblige ce dernier à «agir autrement» en politique internationale. S'il y un mot qui hérisse l'épiderme, déjà fleur de peau, du président Nicolas Sarkozy, que l'on puisse, par voie de presse, l'accuser de pratiquer une sorte de continuité avec l'ère Chirac. Et si sur d'autres fronts, américain et moyen-oriental, il a déjà eu l'occasion de marquer, sinon une rupture nette, du moins une différence affirmée, le théâtre de sa visite au Maroc lui offre l'occasion, voire le met dans l'obligation de pratiquer «l'Agir autrement» en politique internationale sur lequel il avait bâti toute sa fortune politique. Nicolas Sarkozy sait mieux que quiconque que son prédécesseur à l'Elysée, Jacques Chirac, est et demeure une personnalité appréciée des Marocains en particulier et des Arabes en général. Cet entichement n'était pas seulement le fruit de sa stratégie d'équilibre et de défiance à l'égard de la première puissance du monde, mais aussi grâce à un grand réseau de relations personnelles savamment cultivé avec le premier cercle de la décision. C'est pour toutes ces raisons que les mots et les gestes que Nicolas Sarkozy va utiliser pour s'adresser à la représentation et à l'opinion marocaine, ou à la communauté française des affaires au Maroc vont être minutieusement scrutés. Les indices de nouveauté et de rupture vont être relevés avec l'enthousiasme des débutants et ceux de la continuité avec la patience des orfèvres. Sa visite d'Etat au Maroc fut précédée par l'émergence des éternels dossiers à multiples tiroirs de la relation franco-marocaine comme l'affaire de la disparition de Mehdi Ben Barka. Son fils Bachir profite de cette visite pour exprimer ce souhait : «J'attends qu'il puisse sortir une volonté politique commune qui doit réellement faire avancer la vérité sur ( cette) disparition». De son cÔté, l'association «Reporters Sans Frontières» reprend son activité sur le Maroc. Tout en reconnaissant que la presse marocaine est «l'une des plus vigoureuses et audacieuses du monde arabe» mais se trouve actuellement sur «une pente dangereuse», elle demande à Nicolas Sarkozy d'aborder le sujet de la liberté de la presse lors de ses différents entretiens politiques. Le président de la république fut aussi sollicité par une lettre signée par trois associations ASDHOM, AMF et AMBDH spécialisées dans la défense des droits de l'Homme avec ce constat : «Le Maroc traverse une période préoccupante au niveau du respect des droits humains». Au cours des trois temps forts de cette visite, Nicolas Sarkozy aura largement l'occasion de déployer sa différence. Premier temps fort public ce mardi, son discours devant le Parlement. A la veille de son déplacement, son porte parole a déjà eu l'occasion de pointer la direction de cette intervention, le président de la République : «avait d'ailleurs eu l'occasion de saluer à plusieurs reprises le courage et la détermination du Roi dans la mise en œuvre d'un certain nombre de réformes sociétales très importantes comme la réforme du code de la famille, ou la mise en œuvre de l'Instance Equité et Réconciliation qui étaient des étapes très importantes». Second temps fort : Tanger «ville ô combien symbolique puisqu'elle incarne l'ouverture du Maroc sur la Méditerranée» selon la description de l'Elysée. Est attendu un discours fondateur sur cette fameuse et toujours mystérieuse Union méditerranéenne. Nicolas Sarkozy va expliquer aux pays de la Méditerranée, toutes oreilles tendues, les idées qui lui avaient inspiré cette grande déclaration au soir du 6 mai dernier, jour de son sacre : «Le temps est venu de bâtir ensemble une Union méditerranéenne qui sera un trait d'union entre l'Afrique et l'Europe».Troisième temps fort : La rencontre économique franco-marocaine de Marrakech pour laquelle soixante-dix grands chefs-d'entreprises françaises ont fait le déplacement. Nicolas Sarkozy aura à magnifier cette relation par la signature de nombreux contrats. Des plus spectaculaires comme le TGV d'Alstom ou les «Rafale» de Dassault aux plus anonymes sur la coopération judicaire. Il aura la tâche facile puisque «La France est le premier partenaire commercial du Maroc. Le premier fournisseur mais aussi le premier client. C'est le premier investisseur étranger. C'est le premier créancier public».