A la ville spirituelle, connue pour son patrimoine, ce qui frappe les visiteurs c'est le peu d'espaces dédiés à l'art. Les artistes en souffrent au quotidien. Les artistes doivent toujours affronter le même problème lorsqu'ils veulent faire connaître leurs œuvres à Fès : la rareté des lieux d'exposition. «Je ne connais que la salle d'exposition du complexe culturel et l'Orientalist Art Gallery», indique une jeune étudiante venue découvrir les toiles d'un peintre célèbre à Fès qui expose au complexe culturel. Il n'y a, en tout et pour tout, que deux ou trois galeries privées et une poignée de salles d'exposition et de vente éparpillées entre hôtels et musées ou encore dans des lieux intermédiaires comme les centres de langues et les grandes places de la ville. Pour Saïd Affasi, artiste peintre et président de l'Observatoire régional du savoir et de la Communication, «les galeristes ne font aucun effort pour promouvoir l'artiste, sa carrière ou développer sa notoriété. Après avoir exposé aussi longtemps, l'artiste se retrouve dans l'anonymat». Et d'ajouter que «très souvent, l'artiste ne reçoit pas de contrepartie, celle à laquelle il s'attendait si bien sûr ses œuvres correspondaient à la ligne artistique ou à la tendance adoptées par le galeriste». En outre, les jeunes artistes se sentent obligés, en plus de l'utilisation de matériaux de piètre qualité, d'exposer n'importe où, notamment dans des lieux intermédiaires juste pour se faire connaître. Les artistes, préférant vendre ailleurs, passent par les marchands de tableaux. Ceux-ci trouvent dans le marché de l'art un filon qui rapporte. Et c'est à l'aune des ventes qu'on le découvre même si ces marchands ne sont pas assez prodigues quand il s'agit de leurs chiffres d'affaires. En vérité, leur rôle est très important surtout en ce qui concerne la publicité et la promotion des jeunes artistes, même si, toutefois, les productions de ces derniers doivent se plier aux diktats et aux caprices de la plupart des marchands. Ces derniers affichent, en effet, une préférence distincte pour les productions proches du genre artisanal décoratif. Autre facette du problème : les métiers qui s'inscrivent dans le cadre du marché de l'art. Commissaires-priseurs, agents d'artistes, conservateurs, art dealers, courtiers en œuvres d'art, autant de métiers qui restent absents pour ne pas dire inconnus. Pourtant, les écoles des Beaux-arts ne manquent pas au Maroc. Dans ce contexte, la vitalité de la création artistique se trouve altérée. La mise en œuvre de règles éthiques qui régissent les relations entre les artistes et les responsables s'impose pour les professionnels. Ceux-ci y voient la solution pour décloisonner le marché de l'art et le sortir de toute cette frénésie pour le gain. Des moyens institutionnels et juridiques seraient tout aussi indispensables pour protéger ce marché plombé par le poids accentué de l'informel.