Tony Blair, qui doit abandonner sa place au Downing Street ce 27 juin, n'a pas fait un déplacement à blanc. Comme cadeau de départ, Kadhafi lui offre un accord de 900 millions de dollars avec la compagnie pétrolière britannique PB. Après des décennies à la tête de la Libye, l'inamovible Mouammar Kadhafi ne s'est jamais départi de son style original. Il est resté fidèle à son image à base de provocation posée et de fierté calculée : un mélange de folklore tribal et de mégalomanie bédouine. Il s'est distingué ces derniers jours dans l'actualité internationale par deux faits majeurs. D'abord en recevant sous sa célèbre tente le Premier ministre britannique Tony Blair. Sa deuxième visite en Libye depuis celle de 2004 destinée à sceller officiellement le retour de la Jamahiriya au sein de la communauté internationale depuis son bannissement pour cause d'activités terroristes. Mais avec ses 2,7 milliards de dollars de dommages pour les victimes de Lockerbie, une coopération sécuritaire avec les Américains sur le dossier du terrorisme international et un abandon de ces équipements nucléaires, la Libye de Mouammar Kadhafi s'était rachetée une nouvelle virginité internationale. Tony Blair, qui doit céder sa place au Downing Street à son ministre Gordon Brown ce 27 juin, n'a pas fait un déplacement à blanc. Comme cadeau de départ, Kadhafi lui offre un accord de 900 millions de dollars avec la compagnie pétrolière britannique PB pour des opérations d'exploration de gaz. Sans parler des protocoles d'accords juteux dans le secteur de la défense et ses multiples équipements. Le second événement qui a fait briller l'étoile de Kadhafi dans la mire mondiale fut l'organisation à Syrte du sommet des Etats sahélo-sahariens, plus connu sous l'abréviation «la CenSad». Cette organisation a été créée par le Raïs libyen le 4 février 1998. Avec l'adhésion de la Guinée et des Comores, cet ensemble régional est dorénavant constitué de 25 Etats membres. Au menu de cette rencontre internationale figurait le brûlant dossier du Darfour. La CenSad a apporté un soutien sans faille au régime soudanais de Omar Al Bachir en estimant que «l'intervention de forces étrangères pourrait compliquer la situation au Darfour» qualifiant ce choix «d'immixtion dans les affaires intérieures du Soudan». Sur l'affaire du Darfour, même si les deux pays s'opposent à la solution militaire préconisée par des voix de plus en plus influentes, la Libye et l'Arabie Saoudite se livrent à une compétition diplomatique forcenée. Les relations désastreuses entre les deux pays sont souvent à l'origine des échecs répétés des sommets arabes. Malgré de nombreuses médiations, ces relations ne s'étaient jamais remises des effets dévastateurs des accusations protées par Riyad à l'encontre de Tripoli d'avoir concocté une tentative d'assassinat contre Abdallah alors Prince héritier du Royaume des Al Saoud, dans laquelle la justice américaine détient des preuves de l'implication des services libyens. Preuves fournies par les confessions de deux personnages Abdul Rahman Alamoudi, un Arabe américain, qui était détenu dans une prison à Alexandria, en Virginie, et le colonel Mohamed Ismaël, un agent secret libyen arrêté en Arabie Saoudite. L'Arabie Saoudite avait rétorqué à ce complot en aidant à l'organisation d'un congrès de l'opposition libyenne à Londres en Juillet 2005 sur le modèle actif de l'opposition irakienne ou syrienne. Mais l'opposition libyenne, assoiffée de parole, avait du mal à faire entendre sa voix au-delà des circuits classiques de communication saoudiens (Asharq Al Awsat, Al Hayat de Londres, Al Arabia TV…). Depuis, les deux pays ne ratent aucune occasion pour s'échanger des amabilités diplomatiques. Malgré tous ses efforts, Mouammar Kadhafi n'a pas fini de subir la chaleur des pressions internationales. Le dossier des infirmières bulgares et du médecin palestinien accusés d'avoir inoculé délibérément le virus du sida à 438 enfants libyens, provoquant la mort de 56, condamnés à mort en 2004, une peine confirmée en 2006, est sur la table et l'agenda des grands de ce monde. Pendant sa campagne électorale présidentielle, Nicolas Sarkozy s'est engagé à tout mettre en œuvre pour libérer ces infirmières bulgares. À la veille de sa visite en Bulgarie prévue le 10 juin, le président américain Georges W. Bush ne mâche pas ses mots : «Nous sommes très concernés pour contribuer non seulement à soutenir, mais à libérer, les infirmières. C'est la position des Etats-Unis et nous adressons ce message très clairement au gouvernement libyen». C'est dire que Kadhafi n'a pas fini d'entendre les rugissements pleins de dépit et de reproches de nombreuses chancelleries.