Les guérisseurs en Afrique occupent une place importante dans le système de la santé. Ils se mobilisent pour que leur profession soit reconnue. «Si vous soignez la diarrhée, ça ne veut pas dire que vous soignez le sida, mais vous apportez un mieux vivre au malade ». Avec ses collègues guérisseurs, Kamanga Ouédraogo est venu plaider à Ouagadougou devant la conférence sur le sida en Afrique pour que soit prise en compte la médecine traditionnelle. «Dans le cas du sida, il y a un rôle important des médecines traditionnelles pour soulager. On ne dit pas qu'on soigne, mais on peut traiter les maladies opportunistes. Ceux qui disent soigner le sida sont des charlatans», explique Kamanga Ouédraogo. A l'appel de l'ONG, PROMETRA (promotion des médecines traditionnelles), 150 à 200 guérisseurs se sont rassemblés mercredi pour interpeller les organisateurs de la XIIème conférence internationale sur le sida et les maladies sexuellement transmissibles en Afrique. Pour eux, pas de confusion possible. Les véritables «tradipraticiens» ont un rôle important à jouer, d'abord social, mais aussi médical, par leurs connaissances, notamment phytosanitaires, qui permettent de soigner certaines des infections associées au sida. Tous les autres, les «docteurs de grigris » qui se multiplient, notamment dans les grandes villes africaines, sont des imposteurs, charlatans qui vivent de la crédulité des populations pauvres, analphabètes et déracinées. «85% de la population d'Afrique sub-saharienne s'adresse à des guérisseurs. 90% des personnes qui apprennent leur séropositivité vont vers un guérisseur en première intention», explique Erick Vidjin' Agnih Gbodossou, président de PROMETRA. Diplômé de médecine « occidentale», le docteur Gbodossou a une double vision, médicale et sociale du rôle des «tradipraticiens». « On peut dire que ce sont eux qui gèrent pour une bonne part la santé. On gagnerait donc à les impliquer davantage». Et d'évoquer le rôle important de relais d'information que peuvent jouer les guérisseurs dans leurs communautés, où la première réaction «culturelle» face à la maladie est marquée par «Le fatalisme, les tabous et les traditions». PROMETRA a d'ailleurs mis au point un «matériel pédagogique» à destination de ces «notables qui ont une grande influence dans leur milieu». Sur le plan plus strictement médicinal, les tradipraticiens souhaitent voir leurs savoirs pris en compte, étudiés et validés par des équipes de spécialistes occidentaux. Des études sont déjà en cours dans un centre de recherche à Fati au Sénégal, qui accueille des chercheurs américains et européens, notamment de l'institut pasteur, explique le docteur Gbodossou. Les organisateurs de la CISMA tiennent jeudi une « matinée de la médecine traditionnelle » et ont promis d'associer plus étroitement les guérisseurs aux prochaines éditions de la conférence, mais déjà, l'Organisation mondiale de la santé (OMS) prend la question en compte. L'OMS a en outre mis en place des protocoles d'évaluation et d'essais cliniques de certains traitements traditionnels, notamment de plantes à l'impact anti-viral «certain». Entre la conscience aiguë de leur rôle social et un désir de plus grande prise en compte par la médecine « officielle », les guérisseurs ne font en tout cas pas de complexe. • Stephane Orjollet (MAP)