La non-institutionnalisation de l'exonération fiscale dans les régions du sud a laissé le champ libre à un vaste mouvement de fraude fiscale. Hassana Maoulainine, directeur du Centre régional d'investissement, en explique les enjeux. Entretien ALM : Depuis les années 70, la région de Laâyoune-Boujdour-Sakia Al Hamra bénéficie d'une exonération fiscale. Une mesure qui a été prise par Feu SM Hassan II pour encourager l'investissement dans les provinces du sud. Cependant, un vide juridique a ouvert la porte à la fraude fiscale. Que pouvez-vous nous dire à ce sujet ? Hassana Maoulainine : Dans les années 70, Feu SM Hassan II a permis effectivement aux entrepreneurs qui veulent investir dans les provinces du sud de bénéficier d'une exonération fiscale. Son discours était clair à ce sujet. Et jusqu'à ce jour, les entreprises ne paient pas les impôts sur la société (IS) et les impôts locaux dont la patente. Cependant, l'absence de lois claires instituant cette exonération totale pose problème. Il est vrai que la loi de Finance a toujours indiqué que les entreprises implantées dans certaines régions, dont Boujdour, Guelmim, Laâyoune et Smara bénéficient d'une exonération de 50% pendant les cinq premières années consécutives au début de l'exploitation et ce, quelle que soit l'activité exercée, mais, en réalité, les sociétés ne paient rien du tout. Ce vide juridique a ouvert la porte à la fraude fiscale. Pour bénéficier de cet avantage, plusieurs entreprises se sont installées dans les régions du sud, mais opèrent dans d'autres villes du Royaume comme Casablanca, Rabat et Agadir. En d'autres termes, leur siège se trouve, à titre d'exemple, à Laâyoune, mais leur activité est implantée ailleurs. Une situation qui ne profite pas, bien évidemment, à la population de la région qui connaît un taux de chômage de l'ordre de 20 %. Autre conséquence grave de cette situation : les entrepreneurs étrangers hésitent à investir dans la région à cause de ce vide juridique. Ils réclament une réglementation. Pour palier à cette situation, il faut instituer une réglementation claire au profit de l'encouragement des investissements. Un autre élément important et pas des moindres concerne la TVA. Pour permettre aux entreprises de récupérer la TVA sur le matériel d'équipement, le ministère des Finances a trouvé l'astuce de l'identifiant fiscal fictif. Malheureusement, ceci a bénéficié également aux gens mal intentionnés. Ainsi, le ministère des Finances a mis fin à cette procédure. Cependant, cette décision constitue également une sanction à l'investissement sérieux dans la région, surtout pour les petites et moyennes entreprises initiées par les jeunes (Programme Moukawalati). Selon vous, quelles sont les mesures à prendre pour lutter contre la fraude fiscale et encourager l'investissement dans la région du sud ? Premièrement, il faut une réglementation juridique claire qui institue l'exonération fiscale. Cette mesure va attirer les investissements étrangers et donner ainsi un coup de pouce à la croissance économique de la région. Les projets créateurs d'emploi permettront de résorber le chômage. Concernant la fraude fiscale, la cellule de contrôle de la direction des impôts peut diligenter des procédures de contrôle pour vérifier la véracité de la réalisation des projets. Quelles ont été les réalisations accomplies pour le développement des provinces sahariennes ? Depuis la Marche Verte, l'Etat a déployé un effort considérable pour le développement des régions du sud. Dans la province de Laâyoune, 7,9 milliards DH ont été investis dont 4,8 milliards DH dans le secteur des infrastructures, 2,3 milliards DH dans le secteur productif et 800 millions DH dans le social. En novembre 2001, l'Etat a lancé, dans la même ville, des projets de développement pour une enveloppe financière de l'ordre de 2,3 milliards DH. S'ajoutent à cela, les subventions de l'Etat dont bénéficie la région, à savoir les subventions sur les produits de première nécessité (68,2 millions DH par an) et les carburants (500 millions DH par an). En matière d'eau potable, la région bénéfice d'un soutien tarifaire de 80 millions DH. Il faut noter que le coût de production est de 25 DH par m3 alors que le tarif public est de 2,54 DH par m3. Par ailleurs, un projet de grande envergure de logements de haut standing et touristiques sera lancé prochainement en collaboration avec la société Omrane El Janoub et la Caisse de dépôt et de gestion. Ce programme, qui est en cours de validation par le ministère de l'Habitat, l'Agence de développement du sud et le Corcas (Conseil royal consultatif pour les affaires sahariennes), permettra l'édification de plusieurs milliers de logements dont 38 000 logements à Laâyoune. Malgré ces grands investissements, la région souffre encore de plusieurs problèmes socio-économiques. D'après-vous, quels sont les secteurs qui nécessitent un redressement ? Pour développer la région, il faut tout d'abord s'ouvrir sur l'international. Nous avons besoin d'une stratégie de promotion à grande échelle pour attirer les investissements étrangers. D'autres part, le désenclavement de la région est très important. Il faut revoir le prix des vols aériens. De Casablanca à Laâyoune, le prix du billet avoisine les 3500 DH. Ceci constitue une entrave considérable. Il y a des prix promotions, mais c'est insuffisant. En outre, le développement du transport maritime doit être pris en considération pour booster le tourisme dans la région. Laâyoune est proche des Iles Canaries, qui accueillent 12 millions de touristes. Au niveau de l'agriculture, la région a besoin de développer une agriculture de pointe. Il faut également assurer un accompagnement pour la valorisation de la production locale. 90 % du poisson de la région transite à l'état brut vers d'autres provinces. A titre d'exemple, la création de conserveries permettra la valorisation de ce produit.