Un jeune homme de vingt et un ans a assassiné son ami, âgé de trente-six ans et père de trois enfant, parce qu'il lui faisait des propositions indécentes. «Appelez la police ! Appelez la police ! ». Ce cri a retenti dans une rue du quartier Gauthier à Casablanca. Il est 16h15 mn. Le concierge d'une résidence huppée s'étonne de ces appels au secours qui détonnent dans l'atmosphère habituellement feutrée de ce quartier sans histoires. Qui donc a besoin d'une intervention de la police et pour quelle raison? Le concierge lève les yeux vers les balcons et les fenêtres de la résidence. Il ne voit personne. D'où peuvent donc provenir ces appels à l'aide ? Il n'y a qu'un seul moyen de le savoir. Négligeant l'ascenseur, l'homme monte l'escalier quatre à quatre. Arrivé sur le palier du premier étage, il remarque que la porte d'un appartement est ouverte et qu'un jeune homme qu'il n'a jamais vu est en train d'étrangler le propriétaire dudit appartement. Le concierge supplie le jeune homme de relâcher sa victime. En vain. Le concierge dévale donc les marches avec l'intention de se rendre au commissariat de police le plus proche. Sitôt arrivé, il lance à l'adresse du premier policier qui se présente à lui : «Un meurtre sera commis si vous n'arrivez pas à temps». Les policiers se précipitent donc à la suite du concierge. La porte de l'appartement est encore ouverte. Les enquêteurs se ruent à l'intérieur. Par réflexe, ils constatent le luxe des lieux: la superficie, les tapis, les meubles, les bibelots... C'est alors qu'ils découvrent un homme nu, gisant dans une mare de sang. Il a une plaie d'une dizaine de centimètres au niveau du cou. Aux côtés du cadavre se tient un jeune homme en sous-vêtements. L'un des policiers s'approche de celui que tout désigne comme étant le meurtrier et lui demande ce qui est arrivé. Le jeune homme commence par garder le silence. Et tout d'un coup, sa langue se délie : «C'est un clochard et un voleur…». L'enquêteur s'engouffre aussitôt dans la brèche : connaissait-il cet homme personnellement ? Non, répond le jeune homme. Comment dans ce cas a-t-il pu pénétrer dans l'appartement? Pas de réponse. «Je ne le connais pas» est devenu le refrain du jeune homme. Mais il y a l'intuition des enquêteurs. Ils sont persuadés qu'il y a anguille sous roche. Ils sont certains que le jeune homme en sait davantage, tellement l'invraisemblance de ses déclarations leur saute aux yeux. Ils ne doutent pas un instant qu'ils ne tarderont pas à élucider ce mystère. C'est une question de professionnalisme, mais ils savent que la chance demeure le meilleur allié du policier. Le jeune homme est donc placé sous surveillance, tandis que les enquêteurs entreprennent d'interroger le concierge et les voisins. C'est ainsi qu'ils découvrent un élément matériel qui vient jeter une lueur consistante dans l'ombre de cette affaire. Dans l'appartement se trouvait également une jeune fille âgée d'une vingtaine d'années. Les policiers finissent par découvrir que cette dernière est la maîtresse du jeune homme qu'ils ont découvert près du cadavre et qu'elle réside au quartier La Villette. Les policiers se précipitent alors au domicile de la jeune fille, procèdent à son arrestation, la conduisent sur les lieux du crime et la confrontent à son amant. Elle révèle aussitôt tout ce qu'elle sait : «Hier, Hachim, mon amant, m'a invitée à le rejoindre à son appartement pour passer la nuit ensemble». Lorsque Hachim l'accueille, il se trouve en compagnie de la victime, prénommée Taher, qu'elle n'avait jamais vu auparavant. La soirée se passe sans que ce Taher ne lui adresse la parole, trop occupé à s'enivrer avec Hachim. La jeune fille se contente, quant à elle, de grignoter les amuse-gueules disposés à profusion sur la table. Vers minuit, elle se retire dans la chambre à coucher et s'endort. Les deux autres poursuivent leur beuverie. Le lendemain, vers 10 h du matin, la jeune fille se réveille pour constater que son amant et son ami Taher sont toujours occupés à boire des bières. Elle se rend dans la cuisine, prépare son petit-déjeuner, puis s'occupe de diverses choses jusqu'au déjeuner, qu'elle prend seule à nouveau. C'est alors qu'elle entend les échos d'une dispute qui vient d'éclater entre les deux hommes. «A quel sujet ?», demandent les policiers. «Je n'en sais rien», répond la maîtresse de Hachim. Toujours est-il qu'elle décide alors de s'en aller. Des déclarations de la jeune fille, les enquêteurs établissent que Taher n'est pas un malfrat et que Hachim est un menteur. La confrontation suffira à le pousser à avouer la vérité. Ce jeune homme de vingt et un ans est issu d'un père saoudien demeurant en Arabie Saoudite et d'une mère marocaine, originaire de Casablanca. Hachim vit en permanence au Maroc, dans des conditions dignes de celles d'un fils de milliardaire car son père, très fortuné, ne le prive de rien. Son appartement vaut près d'un million et demi de dirhams, sa voiture est à l'avenant et il passe son temps à s'amuser en compagnie de ses amis et de ses maîtresses en gaspillant un argent facilement gagné. La veille du drame, il rencontre Taher, une connaissance du quartier Drissia où réside sa mère. Ce père de trois enfants, repris de justice pour trafic de drogue, est âgé de trente-six ans. Hachim invite Taher à passer la soirée avec lui dans son appartement du quartier Gauthier, où ils sont rejoints par la jeune fille. Lorsque celle-ci les quitte, Taher en profite pour demander à Hachim de faire l'amour avec lui. Stupéfait, indigné, n'en croyant pas ses oreilles, Hachim refuse et tente de chasser Taher. Mais ce dernier ne se laisse pas faire et se jette sur Hachim qu'il étrangle d'une clé au cou. C'est à ce moment que le concierge avait fait son apparition. Hors de lui, Hachim parvient à se dégager de la prise, s'empare d'une poêle à frire et lui assène de nombreux coups sur la tête. L'autre se dégage à son tour, chacun d'entre eux s'empare d'un couteau et ils se firent face pour un duel à mort. Hachim est le plus rapide. Sans pitié, il frappe Taher au niveau du cou et voit s'effondrer celui qui fut son ami, mort. Les résultats de l'autopsie diront ensuite leur part de vérité : mort violente par hémorragie cervicale et fracture au niveau du crâne. Quant à Hachim, il aura sans doute l'occasion de méditer, en prison, l'adage selon lequel l'oisiveté est mère de tous les vices…