Search for common ground a célébré son 25ème anniversaire à Rabat. Son fondateur, John Marks, revient sur les grands chantiers de cette ONG internationale. Entretien. ALM : Vous avez célébré hier le 25ème anniversaire de votre ONG dont une antenne existe au Maroc depuis 2001. Quel bilan dressez-vous de votre activité ? John Marks : Quand j'ai créé en 1982 Search for common ground, mon objectif était et demeure de transformer la façon dont le monde gère les conflits afin que ceux-ci soient résolus par le dialogue et la coopération plutôt que par la violence. Nous avons commencé par le conflit soviéto-américain, qui avait le potentiel de faire exploser le monde. À la fin de la guerre froide, notre activité s'est étendue en Afrique, en Europe, puis au Moyen-Orient. Au début de l'expérience, nous n'étions que deux personnes. Aujourd'hui, nous avons une équipe de 350 personnes et disposons de 17 bureaux implantés dans différents pays. Il est vrai qu'après 25 ans de transformation de conflits, nous n'avons pas changé le monde. C'est de l'utopie de dire qu'on a atteint cet objectif. Cependant, nous sommes satisfaits des résultats enregistrés. Nous avons réalisé beaucoup de progrès et de grands succès. A titre d'exemple, nous avons réussi à arranger les rencontres entre les hauts responsables de la Jordanie et d'Israël, qui ont abouti aux négociations de paix, puis à la signature du traité de 1994. Nos équipes ont fait un excellent travail au Burundi, qui était sur le point de connaître un génocide similaire à celui du Rwanda. Les tensions ethniques ont atteint leur point culminant et Search for common ground a réussi, via ses programmes radio, séries télévisées sur les Tutsis et les Hutus, ses rencontres avec les agents de la paix et les jeunes des milices à éviter un véritable désastre humain. Vous venez de signer avec le ministère de la Justice un nouveau protocole de coopération relatif à l'institutionnalisation de la médiation au Maroc. En quoi consiste cet accord ? Il s'agit d'un projet visant à insérer la médiation dans le système judiciaire marocain. Ce projet, qui est à sa 3ème phase, la première étant lancée en 2004, va permettre aux citoyens de recourir à un médiateur pour résoudre leurs conflits ou litiges relatifs notamment aux conflits entre propriétaires et locataires, aux litiges familiaux liés au divorce ou à l'héritage et même les problèmes entre une entreprise et ses clients. En somme, la médiation offre la possibilité de traiter des conflits relativement simples pour alléger le système judiciaire marocain. Notre rôle dans ce projet, dont le gouvernement britannique est également partenaire, consiste à assurer la formation des magistrats et avocats marocains en matière de médiation. Il s'est effectivement avéré qu'une partie importante des affaires portées devant les tribunaux pourrait être résolue à moindre frais par la médiation. Votre mission est la transformation des conflits. Quels sont vos outils pour atteindre cet objectif ? Le secret de notre réussite est de comprendre les différences et d'agir sur les points communs. Certes, il y a une multitude de méthodes qui varient selon la situation de chaque pays, mais notre méthodologie est basée sur ce principe. Ainsi, nous avons développé des techniques traditionnelles de résolution comme la médiation, des programmes et émissions de radio et télévision. Nous organisons des forums et tables rondes de discussion. Nous tournons des films pour promouvoir le dialogue plutôt que la violence. Ce sont des activités qui ont joué un rôle-clé dans nombre de pays, dont le Burundi. D'après votre expérience, est-ce que ces méthodes sont efficaces pour résoudre des conflits aussi complexes que le conflit israélo-palestinien ? Vous savez, nos méthodes de travail ne sont pas figées. Nous explorons de nouvelles pistes à chaque fois que le besoin s'en fait sentir. Nous sommes tout le temps en train d'étendre notre arsenal de méthodes. Vous travaillez sur le conflit israélo-palestinien depuis 15 ans. Quels en sont les résultats ? C'est un échec! Dans la mesure où il y a toujours trop de violence. Malgré les efforts déployés par nos équipes, la violence continue de faire des victimes. Les grands conflits sont toujours plus puissants que nos méthodes. Nous avons tenté tous les moyens possibles, mais les leaders israéliens et palestiniens campent sur leurs positions. Il n'y a pas de véritable volonté politique pour changer. Quels sont les conflits dans lesquels vous n'intervenez pas par choix ? Nous avons évité les grands conflits où nous ne pouvions pas faire un travail soutenu. Nous préférons ne pas intervenir dans des conflits où la tension est très élevée et où plusieurs organisations sont impliquées comme l'Irak, la Bosnie et l'Afghanistan. Il est difficile d'établir des tractations avec les responsables politiques. Ces derniers sont très intransigeants et inflexibles.