Le mariage par Internet est de plus en plus fréquent au Maroc. Beaucoup de jeunes rêvent de se marier via ce moyen de communication. Témoignages. Lassée d'attendre le prince charmant qui tardait à se manifester, Karima, gérante d'un cybercafé à Casablanca, se jette à l'eau. Pourquoi pas « un mari virtuel » ? . A l'instar de plusieurs jeunes de son âge, Karima, la trentaine souriante, commence à chatter et décide de dénicher son âme sœur même aux confins de la Chine. Par pur hasard, la toile a changé sa destination et l'a conduite vers l'Arabie Saoudite. C'est là où elle trouvera l'homme qui lui convenait le plus : un universitaire saoudien de dix ans son aîné. Depuis, cette jeune femme brune aux yeux pétillants d'intelligence, vit un vrai conte de fées. Après le faste d'un mariage à la marocaine, célébré à Casablanca, elle vit comme une princesse à Djeddah. Très généreux, Abdellah, l'élu de son cœur, a aidé sa famille à résoudre ses problèmes financiers et a même invité les parents de son épouse à effectuer, l'année dernière, le pèlerinage aux Lieux Saints de l'Islam. Des expériences réussies de ce genre encouragent d'autres jeunes à faire de même. C'est le cas de Nisserine, sœur cadette de Karima et institutrice de profession. «Je passe mon temps à chatter pour mettre la main sur l'oiseau rare et faire un beau mariage comme celui de ma sœur aînée. Malheureusement, les prétendants qui se sont manifestés sont tous des Marocains», confie-t-elle avec une pointe d'amertume. Toutefois, la majorité des parents auxquels nous avons posé la question n'accepte pas que leur progéniture se marie de cette façon. C'est le cas de Rachida, professeur de mathématiques dans un lycée de la capitale économique et mère d'une jeune fille de 21 ans et d'un adolescent de 14 ans. «Mes enfants ont reçu une bonne éducation leur permettant d'avoir confiance en eux et de bien se prendre en charge. Ma fille trouvera facilement un mari. Le mariage par Internet est fait pour ceux qui ont du mal à se marier», affirme-t-elle. Contrairement à cette mère qui s'accroche aux traditions, des dizaines de jeunes abordés par nos soins dans des cybercafés ou tout simplement dans la rue n'ont pas caché leur souhait de se marier via Internet. A l'unanimité, ils affirment que, par les temps qui courent, c'est le seul moyen d'échapper au chômage et à la pauvreté. Déçus, ils sont prêts à tenter l'expérience sans être très regardant sur l'âge ou la religion. Ils se lancent dans des soi-disant histoires d'amour avec des interlocuteurs étrangers en leur donnant le plus souvent de fausses identités. C'est le cas d'Amal, jeune étudiante en littérature française qui se prépare à convoler en justes nonces avec un Français qui fait deux fois son âge. «Mon pseudonyme était Rajae. Je passais mon temps devant mon ordinateur à chatter. Je recevais par conséquent plein d'emails et des appels téléphoniques. Je confondais les prénoms de mes interlocuteurs. Mon fiancé André n'a découvert mon véritable prénom qu'un mois après notre premier contact (…). Je l'aime beaucoup comme ami mais pas comme mari. Je lui dois beaucoup de choses. Il m'a redonné confiance en moi et m'a aidée à résoudre mes problèmes, notamment financiers. Malheureusement mes parents ne sont pas d'accord et ne me parlent pratiquement plus», déplore cette jeune fille. Outre le refus de leurs parents et de leur entourage, la plupart des jeunes filles qui ont fait un mariage mixte par Internet vivent des problèmes d'un autre genre. Elles doivent faire face, entre autres, à la lenteur des procédures administratives. «Je passe la plupart de mon temps au consulat de France. Il y a toujours quelque chose qui manque à mon dossier. Mon fiancé, qui est avocat de profession, m'a conseillée d'attendre qu'il achève la préparation de son dossier administratif pour notre mariage et régler quelques obligations professionnelles», nous explique cette jeune fille qui s'impatiente. Pour l'avocat Marzouk Amzghar, le mariage via Internet «est un phénomène en vogue, c'est dans l'air du temps et il est l'une des conséquences du chômage qui affecte les jeunes». «Désorientés, ils cherchent le plus souvent à se marier avec des Européens pour accéder à l'autre rive et découvrir ce qu'ils croient être l'Eldorado », fait-il remarquer avant de préciser que le problème «se pose surtout pour la femme marocaine, heureusement que les procédures se sont simplifiées avec le nouveau code de la famille». Ce juriste de formation explique en substance que la demande de mariage doit-être adressée au tribunal de première instance et sera, par la suite, transférée au procureur général près la Cour d'appel pour l'ouverture d'une enquête sur le conjoint non musulman. Bien sûr, il faut qu'il se convertisse à la religion musulmane en présence de deux adouls.