L'attentat ayant visé le convoi du Premier ministre Ismaïl Haniyeh, à son retour à Gaza, et l'annonce par le président de l'Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas, d'élections législatives anticipées font craindre une escalade de la violence à Gaza et en Cisjordanie. Après l'assassinat des trois enfants d'un dirigeant du Fatah à Gaza et d'un juge au tribunal islamique de Khan Younes, membre du Hamas, Ismaïl Haniyeh avait décidé d'interrompre sa tournée diplomatique dans les pays musulmans et de rentrer précipitamment. Un retour difficile. Durant des heures, il a été bloqué au terminal frontalier de Rafah, sur ordre de Ehud Olmert et Amir Peretz, le Premier ministre et le ministre de la Défense israéliens. Ceux-ci avaient mis leur veto à ce qu'il franchisse la frontière avec les valises contenant 35 millions de dollars en espèces récoltés principalement en Iran, à Dubaï et au Soudan. Après qu'un compromis ait été trouvé entre Israël, l'Egypte et les Palestiniens –l'argent serait déposé sur un compte bancaire de la Ligue arabe au Caire – Ismaïl Haniyeh et son convoi ont été la cible d'une attaque qu'ils attribuent à des membres de la Force 17 du Fatah qui auraient agi sur l'ordre de Mohammed Dahlan, l'homme fort du Fatah à Gaza. Une affirmation démentie par l'intéressé sans emporter la conviction de ses adversaires. Cette attaque est révélatrice de la tension croissante à Gaza et en Cisjordanie, une tension exacerbée par le discours prononcé, le 16 décembre, à Ramallah par Abou Mazen. Suivant en cela les recommandations du Comité exécutif de l'OLP, le successeur de Yasser Arafat a annoncé la tenue d'élections législatives anticipées pour sortir de la crise provoquée par l'échec des négociations entre le Fatah et le Hamas sur la constitution d'un gouvernement palestinien d'union nationale. Le scrutin devrait avoir lieu dans un délai de trois mois et la campagne électorale risque fort d'être le prétexte à des débordements de tous genres, dont la principale victime sera la population civile palestinienne. Une population dont la situation matérielle et sécuritaire ne cesse de se dégrader. La décision d'Abou Mazen a été immédiatement condamnée par le Hamas qui y voit une «tentative de coup d'Etat », contraire à la Constitution palestinienne, et qui a appelé ses sympathisants à descendre dans la rue pour manifester leur opposition. Et ce en dépit des appels au calme lancés, depuis Damas, par Khaled Mechaal, le chef de la branche extérieure du Hamas dont la prudence en la matière n'est pas étrangère aux conseils de modération donnés par ses protecteurs syriens. Pour bon nombre d'observateurs, au-delà des incidents sporadiques qui ne manqueront pas d'éclater, chacun fourbit ses armes et se prépare à un affrontement qui prendra quelque temps avant d'atteindre son intensité maximale. Du côté du Fatah, on espère beaucoup de l'aide financière que la secrétaire d'Etat américaine, Condoleeza Rice, a promis d'accorder à l'Autorité palestinienne pour que celle-ci se dote de forces de sécurité réellement efficaces. Il faudra quelques semaines pour que celles-ci soient opérationnelles et renforcées par l'arrivée de Jordanie, de la Brigade Badr qui sera déployée en Cisjordanie et à Gaza. Et l'on compte aussi sur les résultats de l'appui que le gouvernement israélien a promis d'apporter à Abou Mazen, un appui à la fois politique et pratique. Politique car Ehud Olmert a confirmé qu'il était prêt à de «larges, très larges concessions territoriales envers les Palestiniens», un argument électoral de poids pour le président de l'Autorité palestinienne. Un appui pratique car Israël entend renforcer considérablement le boycott financier du Hamas pour couper, à la source, « le robinet de l'argent» en provenance de Téhéran et d'autres pays. Cela gênera considérablement l'action du mouvement intégriste. Mais celui-ci est également enclin à patienter avant de déclencher véritablement l'épreuve de force. Reste qu'on ne peut exclure que, sous la pression de différents pays arabes et de l'opinion publique, ulcérée par les violences interpalestiniennes qui n'apportent aucun résultat politique, le Fatah et le Hamas finissent par se mettre d'accord sur la constitution d'un gouvernement de technocrates, ce qui rendrait caduques les élections projetées. Le fait que ni Mahmoud Abbas ni Khaled Mechaal n'aient voulu fermer la porte à cette solution est très significatif.