Les femmes parlementaires dénoncent les choix de la majorité concernant la liste nationale. Elles affirment que le projet de loi 22-06 risque de vider le principe de discrimination positive de sa substance. Une opération de lobbying est en cours. Une délégation de femmes parlementaires a rencontré, mardi dernier, le Premier ministre Driss Jettou pour demander son intervention concernant les choix de la majorité relatifs à la liste nationale pour les prochaines élections. Selon des sources parlementaires, il s'agit des députées de quatre partis (FFD, PND, UC et PPS) qui contestent l'un des articles du projet de loi 22-06 (loi organique de la Chambre des représentants) adopté en commission tard dans la soirée de jeudi dernier. Les parlementaires en question estiment que le seuil de 6% des voix retenu pour la répartition des sièges de la liste nationale est de nature à favoriser deux ou trois partis. Cela revient à dire, explique l'une des parlementaires, «à favoriser l'USFP, le parti de l'Istiqlal et le PJD qui risquent de rafler la totalité des sièges dédiés à la liste féminine». «La discrimination positive est un acquis pour les secteurs féminins de tous les partis marocains et non uniquement pour les principaux partis de la majorité», renchérit Milouda Hazib, députée et numéro deux du PND qui ajoute qu'«il faudra à chaque liste l'équivalent de quelque 500.000 suffrages pour pouvoir participer à la répartition des sièges». «Au moment où l'on parle de lutte contre la violence à l'égard des femmes, c'est la majorité qui exerce une autre forme de violence légalisée à notre encontre», conclut Milouda Hazib. Pour Nouzha Skalli, ce seuil ne favorise en rien la lutte contre la balkanisation du champ politique, objectif affiché de la réforme des lois électorales. «Par contre, cette réforme menace l'acquis de la liste nationale et la diversité dans la représentation féminine au Parlement», ajoute la députée PPS. Que proposent les députées contestataires ? Revoir le seuil de représentation en le ramenant, faute de pouvoir l'abolir complètement, à 5%, soit le même seuil retenu dans la loi sur les partis politiques pour avoir droit aux subsides étatiques. Avant de rencontrer Driss Jettou, les députées contestataires s'étaient entretenues avec les leaders des partis de la majorité gouvernementale qui se seraient déclarés "compréhensifs". Visiblement pas plus. Hier mercredi, elles devaient encore être reçues par Ismaïl Alaoui, secrétaire général du PPS. Elles comptent également passer à l'action lors de la discussion, en séance plénière, du projet de loi en question. Ce dernier (projet de loi n° 22-06) a été voté en commission par une trentaine de voix et après un retard de près de deux heures. Le temps, indique une députée, que la majorité «soit réunie en force pour adopter ses propres projets avec des dispositions dangereusement discriminatoires et surtout envers les femmes». Affaire du PPS, du PND, de l'UC et du FFD? Milouda Hazib indique qu'il est question de défendre, contre la marginalisation, les femmes issues de tous les partis, y compris ceux qui ne sont pas représentés au Parlement par des députées. Cacophonie au "Mouvement pour le tiers" Le 26 mai 2006, les femmes parlementaires créaient un collectif pour revendiquer le tiers des sièges des instances élues. Baptisé "Mouvement pour le tiers des sièges pour les femmes", ce dernier regroupait tous les partis représentés au Parlement et bénéficiait de l'appui d'une dizaine d'ONG. Aujourd'hui, c'est la cacophonie au sein de ce mouvement dont on n'entend plus parler d'ailleurs. Les députées de la majorité ne pouvant contester les choix des leurs, elles laissent leurs collègues des partis de l'opposition faire cavalier seul. Urnes, sièges et sentiments ne font pas bon ménage. Le Maroc occupe actuellement la 92ème place du classement mondial pour la représentativité des femmes et la quatrième place sur le plan arabe après l'Irak, la Tunisie et la Syrie.