Mohamed El Ansari, avocat, conseiller et membre du comité exécutif de l'Istiqlal, conteste le "caractère sélectif" des poursuites engagées contre les députés. Il remet notamment en cause le recours aux écoutes téléphoniques. Entretien. ALM : Quelle est la réaction de votre parti concernant les poursuites engagées contre des députés et les derniers verdicts prononcés par la justice ? Mohamed El Ansari : Notre position est des plus claires et c'est ce qui a été exprimé par Abbas El Fassi à maintes reprises. Le parti de l'Istiqlal est contre la corruption électorale et la corruption en général. Nous sommes pour la moralisation de la vie politique. C'est une position qui ne saurait souffrir la moindre concession. Toutefois, concernant les élections du 8 septembre 2006, la presse nationale a évoqué tous les dépassements et qui n'ont épargné presque aucune des 16 régions où se déroulaient ces élections. N'était-il pas alors plus pertinent d'ouvrir une enquête dans les 90 circonscriptions, soit à propos de 450 candidats vu qu'on avait, en moyenne, cinq candidats par siège ? Une telle enquête aurait dégagé tous les cas de corruption et nous aurait surtout évité le caractère sélectif des poursuites auxquelles nous assistons aujourd'hui. En effet, il y a bien eu sélectivité. Pour nous, la répartition de ces procès n'est pas pertinente. Vous contestez aussi les procédés qui ont été à la base de ces poursuites. Pourquoi ? L'article 108 du Code de procédure pénale prévoit les écoutes téléphoniques pour attester des faits pour des délits ayant trait au terrorisme, à la sûreté de l'Etat, aux stupéfiants et à la falsification de billets de banque, entre autres. Rien de tel n'est prévu pour ce qui concerne la traque des cas de corruption ou de fraude électorales. En plus, il y a eu violation de l'immunité parlementaire des députés dont le mandat était en cours bien avant la tenue de ce scrutin. C'est le cas des députés de l'Istiqlal, Abdellatif Toumi et Abdellah Ouariti. En définitive, c'est la justice qui tranchera après les recours en appel prévus par la loi et la décision du Conseil constitutionnel une fois que les verdicts seront définitifs. Les grands électeurs de votre parti notamment dans la région de Chrarda-Gharb-Béni Hssen ont fait preuve d'un manque de discipline lors du même scrutin. Qu'est-ce que vous en pensez ? Nous avons des règlements internes qui encadrent ce genre de dépassements quand ils arrivent à avoir lieu. Nous avons aussi une commission de discipline à laquelle sont soumis plusieurs dossiers et nous avons même mis en place une commission spéciale pour enquêter sur ce qui s'est passé lors du dernier scrutin. Toutefois, il faut rappeler que cela n'a rien à voir avec les procédures décidées par la justice. D'après vous, où nous mèneront toutes ces procédures, fait inédit dans les annales parlementaires marocaines ? J'espère que les procédures en cours puissent avoir des retombées positives sur les élections législatives de 2007 qui font figure de phase décisive pour le Maroc. On remarque aussi que tous les députés poursuivis font partie des rangs de la majorité. Qu'est-ce que cela vous inspire ? Dans toutes les régions du Maroc, on trouve les grands électeurs de la majorité et de l'opposition et la fraude électorale concerne tout le monde. Pour vous donner un exemple, dans la région où j'ai été élu et que je connais très bien (Meknès-Tafilalet, NDLR), un candidat de l'opposition a été élu à 1119 voix sur les 2100 que compte la région alors que le nombre de grands électeurs de son propre parti politique ne va pas au-delà de 60! Tout le monde sait comment se sont déroulées les élections et pourtant aucune suite n'a été donnée à l'affaire. Les parlementaires du PI furieux contre Mohamed Bouzoubaâ Les parlementaires du parti de l'Istiqlal sont furieux contre Mohamed Bouzoubaâ, ministre de la Justice. Ils ont manifesté leur colère, de manière bruyante, hier mardi, en décidant de boycotter la séance des questions orales à la Chambre des conseillers. L'intervention de Abdelhak Tazi a calmé le jeu. Aujourd'hui, le comité exécutif de l'Istiqlal se réunit avec les députés et conseillers en colère pour décider des démarches à adopter. Pourquoi tout ce remue-ménage istiqlalien ? Lundi, Abdellah Ouariti, député et vice-président du conseil municipal de Kénitra, a été condamné à huit mois de prison avec sursis en plus d'une amende de 70.000 DH et inéligibilité de dix ans. Hier mardi, c'est le tribunal de première instance de Marrakech qui lavait de tout soupçon Mohamed Benmessaoud, conseiller USFP, élu le 8 septembre dernier. Pour les istiqlaliens, ce serait la preuve de la partialité de la justice. Le même bouillonnement est perceptible chez les députés du Mouvement Populaire (MP) et du Rassemblement national des indépendants (RNI). La justice a déjà condamné les MP Abdelaziz Chraïbi et Saïd Lebbar, le RNI Mohamed Mohib et le PPS Mohamed Talmoust. Une autre crise en perspective dans les rangs de la majorité.