Liban. Alors que le Hezbollah réclame un gouvernement d'union nationale, la majorité parlementaire de Saâd Hariri se déclare contre tout changement de cabinet. Ce «veto» révèle de profondes divergences entre le parti chiite et l'actuel gouvernement. Sorti meurtri de 34 jours de conflit entre Israël et le Hezbollah, le Liban est aujourd'hui le théâtre d'une crise politique interne aiguë. Depuis la fin de la guerre le 14 août dernier, le Parlement libanais est déchiré par un duel serré entre le parti chiite et les partis de la majorité anti-syrienne de Saâd Hariri. Fort de sa «victoire» contre Israël, célébrée en grande pompe vendredi dernier à Beyrouth, le Hezbollah veut bousculer aujourd'hui l'échiquier politique. Lors d'un grand meeting organisé en plein centre de la capitale, le chef du Hezbollah, Hassan Nasrallah, après avoir exclu tout dépôt d'armes de la part de son parti, a appelé la classe politique libanaise à s'unir. Ainsi, a-t-il proposé la formation d'un gouvernement d'union nationale. Mais sa proposition, autant que ses propos sur sa «victoire » présumée contre Israël ont été « accueillis» par le refus de la majorité des partis libanais. En critiquant le conflit provoqué par le Hezbollah avec Israël, après la capture le 12 juin dernier de deux soldats de Tsahal, -«une véritable catastrophe avec l'ennemi qui occupe davantage de territoires et qui détient des prisonniers»-, le chef de la majorité Saâd Hariri s'est déclaré « contre tout changement» de l'actuel cabinet conduit par le Premier ministre Fouad Siniora. «Nous refusons tout appel à un changement de gouvernement par des voies non démocratiques», a martelé M. Hariri mardi dernier. Lors d'un « ftour» organisé à l'occasion du début de Ramadan, le fils du défunt Rafic Hariri a enfoncé le clou en appelant au « dialogue dans le respect des accords demandant le désarmement de toutes les milices au Liban», dans une allusion au refus du Hezbollah de désarmer. Même tonalité chez les leaders des partis d'une majorité de plus en plus excédée par les sorties enflammées de dirigeants chiites accusés de surfer sur la vague de la «victoire» présumée contre Israël pour faire aboutir leurs ambitions politiques. Le chef du parti chrétien anti-syrien Samir Geagea, autant que le chef druze Walid Joumblatt, -fer de lance de la majorité anti-syrienne-, ont rejeté la demande du Hezbollah de la formation d'un gouvernement d'union nationale et critiqué son refus de désarmer. Sur ce dernier point, le «Parti de Dieu» a prévenu que sa formation ne rendrait pas son arsenal «tant que l'Etat libanais ne serait pas assez fort pour faire face à Israël». Le Hezbollah, la seule milice au Liban à continuer de détenir des armes depuis les années quatre-vingts, est accusé d'être le «bras armé» de l'Iran et de la Syrie dans leur conflit avec l'Etat hébreu. Lors de l'affrontement dernier, Téhéran et Damas ont été nommément citées pour avoir financé, armé et incité le Hezbollah à provoquer cette guerre. Ce dernier s'est défendu de cette accusation, en soutenant que sa guerre contre Israël visait uniquement la libération des territoires libanais occupés. Seulement voilà, le dernier conflit que le Hezbollah a provoqué avec Israël n'aurait fait que compliquer la situation. En plus de la destruction systématique de ses infrastructures, le Liban se voit également occuper encore une dizaine de ses positions dans sa région Sud. Un mois et demi après la fin du conflit, et en dépit du déploiement de l'armée libanaise sur la ligne bleue, et des 5.000 soldats de la Finul, Israël continue de camper sur ses positions dans le Sud-Liban. La réunion tenue mardi dernier entre négociateurs libanais et israéliens et des responsables onusiens s'est achevée sans accord sur un calendrier du retrait de Tsahal.