Le deuxième festival d'Ahwach de Ouarzazate s'est achevé hier. En plus des spectacles animés par les vingt-quatre troupes programmées, le débat autour de l'authenticité de cet art ancestral a rassemblé plusieurs chercheurs de la région. Le rideau est tombé hier sur la deuxième édition du festival d'Ahwach de Ouarzazate. Une soirée après l'autre, les vingt-quatre troupes participantes de différentes régions de Ouarzazate se sont succédé sur les diverses places de la ville. Outre le village d'Ahwach où les artistes ont fusionné avec la population, la place de Kasbah Taourirt a été pendant trois jours le havre de la symphonie d'Ahwach, mise en scène par Abbas Forak, directeur artistique du festival. Le public est venu en masse pour découvrir les plateaux artistiques de toutes les troupes participantes. «Le premier jour on a pu recenser près de 14.000 personnes, le jour suivant le chiffre a doublé, il aurait même atteint environ 25.000 spectateurs», déclare Mohamed Said Mrani, le directeur du festival. Parés de leurs plus beaux atours, les artistes invités, des hommes et des femmes venus de Taroudant, d'Immintanoute, de Chichaoua, se sont succédé sur scène. Ils se sont tenus debout, solennellement, sur des tapis couleur locale, plus particulièrement ceux de Tazenakht et ont enchanté le public. Les artistes en question, parmi lesquels Ahwach Asska Aoulouz ou encore Ahwach Aglagal Taliouine, ont dialogué avec le public chacun à sa manière. Selon des spécialistes du patrimoine d'Ahwach, il existe près d'une soixantaine de troupes et une dizaine de rythmes dans Ahwach. Ahwach ? Ce terme provient de l'amazigh «Hawch», qui signifie dans certaines régions «danser» et dans d'autres «patio». Pour le chercheur Ahmed Drissi, ce mot signifierait plutôt «mur de pierre» et il aurait connu une déviation jusqu'à désigner cette danse accompagnée de chants qu'on retrouve uniquement dans la région du Haut et de l'Anti-Atlas. A l'origine, les danseurs et les chanteurs d'Ahwach formaient trois rondes composées d'hommes et de femmes selon les régions. La première est nommée Assenker ou Assenkhilef. «Cet attroupement regroupe les maîtres qui donnent le coup d'envoi du dialogue appelé communément le Msaq», explique Mohamed Tassetift, directeur de l'association locale «La Kasbah». Les musiciens de cette première ronde lancent le rythme d'une manière lente. La réponse à ce dialogue est intitulée «Assegligel». Durant cette phase, le rythme devient de plus en plus aigu et l'action peut durer jusqu'à 15 minutes. «Ici le rythme se stabilise pour préparer sa montée crescendo, c'est le summum d'Ahwach», souligne Ahmed Assid chercheur à l'IRCAM. Enfin, sur la troisième rangée appelée «Nker», les musiciens munis de leur instrument à percussion, la Ganga, font la basse. Tout ce dispositif qui fait partie de la tradition d'Ahwach a de nos jours connu nombre de changements. D'où la peur que cet art ne perde de sa teneur et qu'il disparaisse à jamais. «Il y a des rythmes en voie de disparition, et même certains qui ne sont plus joués, faute de connaissance et de formation chez la nouvelle génération», se désole Mohamed Tassetift. Ce dernier cite quelques rythmes des plus connus et des plus prestigieux dont «Adrar», «Asegligel» et «Aferdi». Et d'ajouter : «Il n'y a plus d'artistes qui maîtrisent ce rythme». Autre rituel d'Ahwach qui n'est plus de coutume aujourd'hui, il s'agit de «Dart», qui relève de la tradition soufie. Les chioukhs d'Ahwach se déplaçaient sur plusieurs kilomètres pour aller visiter un village à l'occasion d'une cérémonie religieuse. «La dernière fois où s'est joué Dart, c'était en 1968 lorsque les notables de Ouarzazate ont appris qu'un fquih s'était réveillé d'un coma suite à une hypoglycémie». Ahwach, c'est donc un merveilleux patrimoine de légendes et un authentique art de vivre que les intellectuels de la région ont peur de perdre et dont ils ne cessent de réclamer la préservation. En donnant à ces troupes l'occasion de faire revivre sur scène tout ce patrimoine, le festival vient apaiser les inquiétudes des passionnés d'Ahwach et leur donner des raisons de croire en la vitalité de ce pan de notre civilisation.