Au moment où quelques voix dissonantes commencent à s'élever au sein de la classe politique israélienne, les Libanais sont unis dans l'épreuve qu'ils traversent. «Il y a 2.000 ans, à Cana, Jésus a transformé l'eau en vin. Aujourd'hui, les forces aériennes israéliennes y ont transformé les enfants en cendres». Dans son blog (mazenkerblog.blogspot.com), Mazen, Libanais de 30 ans, donne le ton d'une "blogosphère" devenue un extraordinaire forum témoignant de l'émoi suscité par l'agression israélienne contre le pays des Cèdres. Si le miracle de Cana a été le premier du Christ, la tuerie perpétrée par Tsahal contre les populations civiles de cette localité de l'antique Galilée risque de ne pas être la dernière. En effet, les boutefeux israéliens ne manquent pas. Leur nombre ne cesse d'augmenter au fur et à mesure que l'agression contre le Liban perdure. A preuve, le cabinet de sécurité vient d'approuver l'extension des opérations terrestres, jusqu'au fleuve Litani, entre 5 et 30 km de la frontière Selon la radio, trois divisions supplémentaires, soit près de 15.000 hommes, vont être mobilisées pour l'occasion. Elles viendront épauler les 20.000 soldats qui se trouvent déjà sur le terrain. Cette décision a été prise, alors que l'impact catastrophique pour l'image de l'Etat hébreu du bombardement de Cana renforce la pression internationale pour une trêve. Israël a d'ailleurs accepté, récemment et du bout des lèvres, une suspension partielle et limitée de ses frappes aériennes ; promesse qu'il a, comme d'habitude, allègrement violée. L'important pour lui n'est ni de respecter sa parole, ni de se plier aux injonctions de la communauté internationale, mais, plutôt, de marquer des points sur le terrain. D'où cette déclaration du général Alon Friedman estimant que l'opération terrestre "pourrait prendre plusieurs jours, et peut-être plusieurs semaines". Selon un autre haut gradé de Tsahal, le général de réserve, Danny Rotschild, «Israël ne peut se permettre d'arrêter aujourd'hui l'offensive, sans gains tangibles, car ce serait perçu comme une victoire par le Hezbollah, ce qui aurait des conséquences catastrophiques pour toute la région". D'après cet ancien haut responsable des renseignements militaires, le conflit risque donc de "se prolonger durant des mois». Ceci d'autant plus que "L'état-major a donné au gouvernement des espoirs exagérés d'une victoire rapide par un emploi massif de l'armée de l'air » et qu'«à cause du traumatisme de la guerre du Liban en 1982 on a cru, à tort, qu'on pouvait faire l'économie d'une opération terrestre forcément coûteuse en hommes". Membre du cabinet de sécurité, le ministre qui a fait cette déclaration à la presse sous le sceau de l'anonymat sait de quoi il parle. Ce qu'il ignorait au moment où il s'est adressé à la presse, c'est que des voix discordantes commencent à se faire entendre au sein du gouvernement israélien. Selon le ministre de l'Habitat, Meir Sheetrit, «il n'y a aucune possibilité de détruire toutes les roquettes du Hezbollah». «Cette option n'existe pas. Ni au moyen de frappes aériennes, ni au moyen d'opérations de forces terrestres», a-t-il affirmé en précisant qu'«il semble évident que l'on passe petit à petit des combats sur le terrain vers un règlement international, et c'est ce que je dis depuis une semaine». C'est ce qu'affirme aussi la présidence de l'Union européenne. Mardi, elle a, en effet, averti que l'offensive israélienne a «peu de chances d'aboutir à un succès militaire» contre le Hezbollah et risque, au contraire, de déboucher sur un plus grand soutien de l'organisation chiite par la population libanaise. C'est désormais chose faite. Les chefs religieux libanais, chrétiens et musulmans, réunis mardi au siège du patriarcat maronite de Bkérké au nord de Beyrouth, ont, dans ce sens, rendu «hommage à la résistance (anti-israélienne) dont le Hezbollah représente l'axe essentiel et qui constitue l'une des principales composantes de la société" libanaise. A titre de rappel, il convient de préciser que l'émergence de ce dernier au début des années 80 a été le fruit de la victoire de la révolution islamique en Iran, en 1979 et de la politique d'exportation de cette révolution. Parallèlement, l'opération israélienne de 1982 avait constitué un catalyseur au renforcement de ce parti dont l'idéologie induit la glorification du martyre. Son actuelle résistance semble indiquer qu'il n'a rien perdu de la pugnacité et des qualités tactiques qui lui avaient permis de contraindre l'armée israélienne à évacuer la région en l'an 2000. A moins qu'ils ne l'aient déjà compris, les Israéliens vont donc finir par se rendre compte que la puissance de feu n'est pas une solution en soi face à des milices comme celles du Hezbollah. Bachar Al-Assad appelle l'armée à se tenir prête Le président syrien Bachar Al- Assad, a appelé l'armée à "se tenir prête pour faire face aux défis régionaux". Les troupes doivent «fournir plus d'efforts à l'entraînement, s'appliquer pour se tenir prêtes et renforcer leur état de préparation en raison de la situation internationale et des défis régionaux qui nécessitent la vigilance», a déclaré le chef d'Etat syrien, à l'occasion de la fête de l'armée célébrée mardi. Dans un discours repris par les médias gouvernementaux, Bachar Al- Assad a expliqué que «Nous devons comprendre qu'avec tout effort et toute goutte de sueur à l'entraînement maintenant, nous épargnerons une goutte de sang, quand l'heure viendra». «Le combat se poursuit, tant que notre terre est occupée et nos droits sont violés. Et la victoire sera la nôtre, avec l'aide de Dieu», a dit le président. Dimanche, M. Al-Assad a accusé Israël de pratiquer un "terrorisme d'Etat", après le raid aérien contre la ville de Cana, au Liban Sud, qui a fait plus de soixante morts dont la majorité sont des enfants.