La presse connaît en France une crise sans précédent. L'article, ci-après, du quotidien Le Monde reprend les grandes lignes d'une étude élaborée sur la crise de la presse par la Direction du développement des médias rattachée à Matignon. La Direction du développement des médias (DDM), service rattaché au premier ministre, a publié, mercredi 19 juillet, son étude annuelle sur la presse, qui compile les données recueillies auprès des "300 plus gros éditeurs de presse en France". Si les chiffres, portant sur l'exercice 2005, sont sans surprise, corroborant ceux déjà parus çà ou là, le commentaire qui accompagne l'enquête réalisée par la DDM est particulièrement alarmiste sur l'état du secteur. La crise est structurelle, souligne la DDM, puisque les chiffres montrent clairement une baisse des ventes de journaux plus que de la publicité. Ainsi, le recul de 2,3 % en volume du chiffre d'affaires (10,59 milliards d'euros) de la presse "se décompose en une baisse de 2,6 % des recettes de vente et une baisse de 0,6 % des recettes publicitaires." Pis : les ventes par abonnement, apparemment stables en valeur, à 2,29 milliards d'euros, "baissent de 1,6 % en volume", alors qu'elles enregistraient "une progression soutenue depuis quinze ans". Résultat: les abonnements "ne compensent plus la dégradation des ventes au numéro". La DDM se préoccupe particulièrement de la crise de "la presse nationale d'information générale et politique" pour laquelle "2005 est une année noire". Avec moins de 1,46 milliard d'euros de chiffre d'affaires, elle "enregistre son plus mauvais niveau de recettes depuis une quinzaine d'années ; il se situe même en dessous de son point bas de 1993". L'étude observe que "tous les indicateurs sont à la baisse: la diffusion a diminué de 15% depuis 1990 et les recettes ont perdu 14 % hors inflation. En volume, le chiffre d'affaires (de cette catégorie) a baissé de 31 %." Dominique de Villepin s'était inquiété de la chute de cette catégorie de journaux. En mai, devant l'assemblée générale de la Société professionnelle des papiers de presse (SPPP/CFPP), le premier ministre avait souhaité l'extension "aux entreprises de presse d'information politique et générale du dispositif visant à faciliter l'investissement dans certains types d'entreprises en les faisant bénéficier d'une déduction ou d'une réduction d'impôt", et promis "de nouveaux dispositifs fiscaux incitatifs, dans le cadre du projet de loi de finances 2007", pour "répondre à une fragilité traditionnelle des entreprises de presse françaises : leur sous-capitalisation chronique." La presse magazine, poursuit l'étude de la DDM, accuse "une double décroissance du volume de ses ventes et de ses recettes publicitaires depuis l'an 2000. (...) Les ventes de magazines sont aujourd'hui revenues à leur niveau de 1995". Seule la presse locale, "relativement épargnée par la concurrence des journaux gratuits et d'Internet", tire son épingle du jeu. "Depuis 1993, c'est le segment de la presse payante qui connaît la plus forte augmentation de son chiffre d'affaires en volume (+16%) grâce à l'accroissement des recettes d'abonnement (+ 44 %) et des recettes publicitaires (+ 30 %)". Elle a notamment "su capter le marché des petites annonces qui ont déserté les journaux nationaux (+ 41% depuis 1990)". L'année 2006 s'annonce un peu moins sombre que 2005, si l'on en croit les chiffres que vient de publier TNS Média Intelligence. Les dépenses publicitaires dans les grands médias auraient fait un bond de 11,4 % au premier semestre, à 10,5 milliards d'euros (chiffres bruts). La presse écrite affiche pour sa part une croissance de 9,1 % et les quotidiens nationaux seraient à +12,4 % (581,4 millions d'euros bruts). En 2005, déjà, la presse avait "plutôt mieux résisté que les autres médias à la mauvaise conjoncture du marché publicitaire", rappelle la DDM. "De 2004 à 2005, les recettes publicitaires de la presse écrite sont passées de 4,51 à 4,57 milliards d'euros, soit une augmentation de 60 millions." Problème : cette modeste croissance a été intégralement captée par "la presse gratuite d'annonces et d'information", dont les recettes publicitaires "ont progressé de 820 à 880 millions d'euros. Tout le surplus de la manne publicitaire du secteur est donc allé à la presse gratuite". • Pascal Galinier (Le Monde du 20 juillet 2006)