A la veille de la clôture de Timitar 3, prévue hier soir, le taux d'affluence a considérablement augmenté. Plus de 60.000 personnes ont fait le déplacement sur la place Al Amal et près de 25.000 à Bijaouane, à l'invite de la musique latino. «Gracias a la familia grande», répétait le sublime interprète-musicien cubain Eliades Ochoa, qui a donné, samedi soir dernier sur la Place Al Amal, son premier concert africain. Venu droit de Londres, première étape d'une tournée qui le conduira dans plusieurs autres capitales européennes, ce monstre sacré de la musique cubaine n'aurait peut-être jamais imaginé que, dans un pays encore inexploré, il puisse se sentir à peu près "comme chez lui". «Somos de la montana», entonnait-il fièrement, et en ce mémorable samedi soir, il se trouvait en plein coeur de l'Anti-Atlas. Pas de dépaysement donc "entre la familia grande", entendez plus de 80.000 personnes venues l'acclamer, en grand nombre et dans l'enthousiasme. L'ombre des agressions israéliennes sur le sud-Liban a certes plané sur l'esplanade Al Amal, Ochoa ne l'a heureusement pas oublié, pas plus que ces dizaines de milliers de spectateurs qui l'ont gratifié de longs et chaleureux applaudissements quand il a rappelé les bavures insupportables perpétrées au nom de "la lutte contre le terrorisme". Ochoa n'a pas manqué de le rappeler, le public non plus. Il faut voir dans la ruée impressionnante de samedi soir, comme des jours précédents, un formidable plaidoyer pour les valeurs de la vie, envers et contre les tueurs de civils sans défense et les stratèges du chaos généralisé. En ces sales temps de guerre, que faut-il donc faire sinon continuer à s'accrocher à la vie. C'est ce désir que ce magnifique public, nationaux et étrangers compris, était sorti exprimer ce soir, en dehors de toute distinction de langue, de culture ou de confession. Ce n'est pas un hasard si ce grand public a montré qu'il pouvait vibrer au rythme des panégyriques "Amdah nabaouia", déclamés par l'interprète mauritanienne "Malouma", aussi bien qu'au rythme de cette autre chanson "Maria", portée par la voix d'Eliades Ochoa Les barrières culturelles sont tombées, au seul gré de l'humain et de ce langage musical, un véritable ciment pour rassembler les habitants de la terra nostrum. Pour tout ce superbe public, comme pour le groupe cubain de Ochoa, le seul ennemi indiqué ce soir fut cette prison de sinistre mémoire: "Guantanamo". Passé Ochoa, c'était au tour d'une autre figure de proue de la musique latino de donner la réplique. «Je vais commencer par un hommage à Patrice Lumumba», dit cet autre chanteur colombien qui n'est autre que le célèbre Yuri Buenaventura. Crépitements d'applaudissements, puis voilà que le public épouse la cadence. Un véritable ballet s'organise, accompagnant Yuri dans un vibrant hommage au grand Patrice Lumumba, symbole africain de la lutte pour la liberté mort assassiné. La messe est dite. Puis, passage aux rythmes ensorceleurs de la salsa portés par les cuivres et autres battements de tambours. Au parterre, où il n'y a plus de place VIP, quelques grandes personnalités étaient venues se fondre humblement au milieu de la foule. Parmi les arrivants, on pouvait constater le ministre de la Communication, Nabil Benabdallah, le président de la Région Souss Massa Draâ, Aziz Akhannouch et des représentants des autorités locales. Le message était on ne peut plus clair: derrière cette remarquable dynamique festive, il y a bel et bien une volonté politique, celle de la région, de la wilaya et du CRT. «Nous avons eu le soutien politique d'un homme comme Aziz Akhannouch, issu de cette région, qui accompagne finalement la création artistique amazighe et qui a voulu donner une image d'une région riche par son identité plurielle, et par son ouverture sur le monde», explique Brahim Et Mezned, directeur artistique de "Timitar". Espace de dialogue inter-culturel, "Timitar" a également brillé par la qualité d'une programmation pointue. Pendant les six jours du festival, on a pu découvrir, ou redécouvrir, la fine fleur de la musique amazighe et des musiques du monde. De Jimmy Cliff, l'héritier de la musique reggae, à Ammouri M'Barek, le rénovateur de la musique amazighe; en passant par les rythmes de l'Afrique de l'Ouest (Mali, Sénégal, Côte d'Ivoire), qui a été l'invitée d'honneur du 3ème Timitar, ou plus encore les airs latino (Cuba, Colombie). Au-delà du plaisir musical, "Timitar 3" a eu des effets indéniables sur l'activité économique de la région d'Agadir. Les hôtels sont quasi-pleins, malgré le fait qu'on soit encore en début de l'été. Pour se rendre également compte de cette dynamique créée par et autour du festival, il suffit de demander l'avis des restaurateurs, taxi-drivers et autres bazaristes. Evénement festif, "Timitar" a prouvé qu'un festival peut également être un véritable levier de développement économique. Un nouvel atouts vient s'ajouter à plusieurs autres que possède cette belle et riche région du sud marocain.