5 Novembre 2001, 5 heures du matin, Sidi Benâchir, Salé. La pluie était au rendez-vous comme pour répondre aux prières certes fictives des acteurs du film de Tazi, qui entamait ce jour-là le tournage de son film “Les voisines d'Abou Moussa” Une foule en prières. Nous sommes au quatorzième siècle. Les Mérinides, dynastie reconnue pour sa puissance au-delà de la Méditerranée a établi des remparts infranchissables pour toute velléité hégémonique. Mais sa puissance n'est en réalité qu'apparences, carton-pâte. Derrière le décor, il y a des gouvernements cupides qui se succèdent, une armée affaiblie par ses défaites, des luttes internes pour le pouvoir et l'argent. Les fameuses flottes des corsaires dérivent. Les terres sont sinistrées par la sécheresse, les années de disette s'accumulent. La foule prie. Miséreux, laissés pour compte, prostituées, marginaux marchent et implorent le ciel en un ultime cri de désespoir. Une voix unique et vibrante qui psalmodie des prières pour la délivrance de ces milliers de créatures de la faim et de la misère. Deux cents figurants pour animer cette tranche du récit d'Ahmed Taoufik, une marche de Sidi Benâchir au centre ville, une marche vouée à la détresse que seule la foi déplace. Une foi totale offerte à la clémence divine. La prophétie d'Abou Moussa se réalise. Dieu répond aux prières des pauvres. C'est ainsi que se termine le roman d'Ahmed Taoufik adapté au cinéma par Abderrahman Tazi. Sept semaines de tournage à Fès et Salé avant la scène finale ce 5 novembre 2001 où le temps n'a plus de sens, où la réalité rejoint la fiction. Le ciel est bas et lourd et verse un jour noir plus triste que les nuits, le désespoir s'apprête à planter son drapeau noir quand dans une miséricorde divine inattendue, la pluie se déverse sur la foule de figurants en délire. Abderrahman Tazi exulte. Soulagé, souriant, il ironise avec notre bon vieil adage « Tout est dans l'intention, si l'intention est bonne, on est récompensé ». Ses comédiens ont prié des heures durant. Et exceptionnellement, ce jour-là il a plu à Salé. À tel point que le réalisateur et son équipe ont été obligés par moments de se réfugier dans les ruelles étroites de la médina et d'abriter le matériel pour qu'il ne s'abîme pas. Une journée particulière. Prières et averse étaient au rendez-vous. Une certaine magie aussi. Peut-être le verrons-nous sur les écrans l'année prochaine ?