Dans un entretien publié, hier, par le quotidien Liberté, le ministre algérien des Affaires étrangères, Mohamed Bedjaoui, réitère les positions algériennes hostiles à l'intégrité territoriale du Royaume. Quelle est la vision algérienne pour l'avenir de la région maghrébine ? Quelle projection fait-on à Alger des relations de ce pays avec ses voisins durant les cinq, dix ou trente années à venir? Existe-t-il un projet algérien pour la région? Des questions auxquelles il est difficile de répondre. Car, aucun fait, aucun détail concret, ne laisse entrevoir l'existence d'un doctrine algérienne en la matière. À Alger, tout est improvisation. Rien ne se situe dans le cadre d'une stratégie globale. À El Mouradia (palais présidentiel algérien), on se contente d'épier les voisins, de guetter leur moindre mouvement et de réagir en conséquence. Si le Maroc bouge, c'est toute la machine algérienne qui s'active pour contrecarrer son action. L'ordre du jour du pouvoir algérien : saboter toute initiative marocaine visant à assainir le climat maghrébin. Aussi, chercher à découvrir les grandes lignes du projet régional algérien ne sert à rien pour une simple raison : Alger n'en a pas. L'entretien accordé, hier, par le ministre d'Etat algérien aux Affaires étrangères, Mohamed Bedjaoui, au quotidien algérois Liberté, est une nouvelle preuve de cette absence de vision. Dans cette longue interview du chef de la diplomatie algérienne, il est impossible de dégager une seule prise de position susceptible de laisser entendre l'existence d'une vraie politique internationale soucieuse de l'avenir de la région méditerranéenne et, en conséquence, de celui de l'Algérie. Rien. Dès la première question que le quotidien algérien a posée à M. Bedjaoui, on comprend "les causes de la révélation", comme disent les érudits de la Chariâ. Si le premier responsable de la diplomatie algérienne fait une sortie médiatique, c'est bien pour parler de la question du Sahara marocain. Il commence d'abord par mettre en cause le secrétaire général des Nations unies, Kofi Annan, et son envoyé personnel sur la question, Peter Van Walsum, en les accusant d'avoir pris position en faveur de la thèse marocaine. "La position prise par le Conseil de sécurité en avril 2006 était attendue du fait des dangereuses dérives contenues dans le rapport du secrétaire général", dit-il. Ensuite, il s'attelle à un exercice d'auto-exaltation en énumérant les différentes actions qu'il a menées à Washington pour contrecarrer "le projet de Kofi Annan" et finit, évidemment, par s'autoproclamer vainqueur d'une fausse bataille diplomatique en considérant que la dernière résolution onusienne sur la question du Sahara était une victoire algérienne. "Le rapport du secrétaire général avait épousé, en effet, le point de vue inacceptable de son envoyé spécial, M. Van Walsum, qui préconisait de tenir compte de la realpolitik, c'est-à-dire du fait accompli de l'occupation du Sahara occidental", estime M. Bedjaoui avant d'ajouter : "j'ai mis l'accent sur les insuffisances que contient son rapport, tout en indiquant clairement que ses propositions constituent une sérieuse dérive (…) , le Conseil de sécurité n'a pas suivi le secrétaire général dans cette dérive". "Veni, vidi, vici", semble dire le responsable des relations internationales du régime de Bouteflika, satisfait de ses conquêtes en Amérique. Or, tout est faux dans les dires de M. Bedjaoui. De la prétendue prise de position en faveur du Maroc de M. Annan à la fausse victoire de la diplomatie algérienne. Car, d'abord, la résolution 1675, adoptée le 28 avril dernier, appelle clairement à trouver "une solution politique juste, durable et mutuellement acceptable". La solution que l'ONU veut pour la question est donc assujettie à deux conditions : elle doit être politique, donc négociée, et elle ne peut aucunement être imposée à l'une ou l'autre partie. Les dirigeants algériens, M. Bedjaoui compris, doivent donc cesser de courir derrière cette utopie qu'est le référendum d'autodétermination. Mais, le responsable diplomatique algérien ne se contente pas de réitérer les positions obsolètes de son régime sur la question de l'intégrité territoriale du Maroc. Il affiche, dans l'entretien à Liberté, les grandes lignes de sa politique en ce qui concerne les relations bilatérales avec le Royaume. Des "grandes lignes" que l'on résume facilement en une seule : pas de réouverture des frontières car le Maroc en bénéficiera et pas de sommet entre les chefs d'Etat pour le moment. C'est tout. Telle est la politique de voisinage du système Bouteflika. Donc rien de nouveau. Le pouvoir algérien est incapable de changer de méthode. Il continue à attendre ce que fera l'autre et il tente de saboter. En attendant, le Maroc avance, se développe, se modernise, alors qu'à Alger, l'Etat se décompose, le malaise social s'aggrave et l'économie n'arrive pas à décoller. Mais, à Alger, on oublie un élément essentiel dans toute stratégie géopolitique : que ferait-on si sa thèse gagne et que ferait-on si la thèse de l'autre s'impose. Plus clairement : que fera le régime algérien une fois que le conflit artificiel sera résolu, ce qui est en cours avec le projet de l'autonomie ? Si M. Bedjaoui n'a pas une réponse à cette question, ce qui est certainement le cas, c'est qu'il a encore beaucoup de choses à apprendre en matière de géopolitique.