Alors que la police nie toute responsabilité dans le décès d'Abdelghafour Haddad, les parents de la victime ainsi que leurs voisins présents au moment de la tragédie affirment que le défunt a été passé à tabac par des éléments des GUS. «Mon père, ils m'ont tué ». Abdelghafour, 28 ans, aurait réservé cette ultime confession à son père, Hussein Haddad, venu s'interposer entre son fils et des éléments du Groupe urbain de sécurité (GUS). «Je fus repoussé par l'un des policiers, après avoir essayé de relever mon fils qui gisait par terre. Sa mère, arrivée en catastrophe, fut à son tour congédiée par un officier de police, en lui disant, d'un air hautain : sachez à qui vous parlez ! », raconte le père de la victime. Qu'à cela ne tienne, mais, poursuit-il : « je voulais comprendre pourquoi on s'acharnait brutalement contre mon fils, sachant qu'il s'agissait, au départ, d'un simple contrôle d'identité ». « Par Dieu, nous allons embarquer votre fils », me répond l'un des policiers, d'un ton sec. C'est à ce moment, toujours selon les dires du père, que l'irréparable est arrivé. « Après avoir réussi à desserrer l'étreinte des policiers, mon fils a pris la fuite. Un flic lui fait un croche-pied, lui faisant perdre l'équilibre pour se cogner, finalement, le corps contre la façade vitrée d'un cyber-café ». « Du sang giclait abondamment de toutes parts, surtout au niveau du cou », décrit M. Benyari, qui se présente comme un « témoin oculaire » de cette tragédie qui s'est déroulée, en présence de plusieurs dizaines d'habitants, au moment de la prière d'Al-Asr, mercredi 31 mai dans le quartier «Pépinière », à Salé-Tabriket. « Nous avons essayé d'approcher la victime, mais nous avons été surpris d'entendre un policier nous enjoindre de nous éloigner ». «C'est à la police qu'il incombe de le soigner et de le corriger », aurait ordonné l'un des éléments de la police. Or, problème. « Alors que nous nous attendions à ce que les GUS interviennent auprès des services de la Protection civile, ils ont déplacé leur véhicule à une cinquantaine de mètres loin de la victime. Alarmé à l'idée que la victime, submergée de sang, soit livrée à elle-même, l'un des habitants, M. Hassan, aurait pris l'initiative d'appeler lui-même au secours les services de la Protection civile. « Evacué sur l'hôpital Moulay Abdellah, à Salé, puis transféré à bord d'une C15 vers l'hôpital Avicenne, la victime a dû perdre beaucoup de sang », déplore un habitant. Le père, alors qu'il devait accompagner son fils mourant à l'hôpital Avicenne, se serait vu interpeller par la police pour les besoins de l'enquête. « Sur mon chemin vers le commissariat, relate Hussein Haddad, mon fils aîné Rédouane m'appelle pour m'apprendre qu'Abdelghafour venait de mourir ». Choc, puis perte de connaissance. Entre-temps, des dizaines d'habitants, encadrés par des membres de la section-Salé de l'AMDH, étaient partis du quartier « Pépinière » vers le commissariat central de Salé, situé à proximité de la gare ferroviaire Salé-ville, pour protester contre «l'agression policière ayant entraîné la mort d'une personne ». Accusation rejetée illico par la Direction de la Sûreté nationale, qui a diffusé un communiqué dans lequel elle nie toute responsabilité dans la mort du dénommé Abdelghafour Haddad. Mais cette « version » n'est pas admise par les parents de la victime qui, appuyés par les dépositions de nombre de témoins du quartier, et confortés par la mobilisation de plusieurs acteurs sociaux, demandent l'ouverture d'une enquête pour faire la lumière sur la mort de leur fils. Une mort qui, selon un membre de l'AMDH, ne serait pas due au hasard. « Il y a cinq mois, un autre jeune habitant du quartier Bab Chaâfa, à Salé, a connu le même sort », rappelle-t-il. Il s'agissait d'Adil Zyat, dont le décès avait été attribué à un groupe du GUS en patrouille dans le quartier situé à proximité du mausolée de Sidi Ben Acher. «Deux morts… Trop c'est trop», lance un habitant de Salé.