Assister à un tel affaiblissement, pour ne pas dire avilissement, du pouvoir politique en France, c'est inédit, y compris en tenant compte de la fin de règne de la période mitterrandienne. Entendez-vous ces pas feutrés de la droite extrême qui avance vers un second exploit électoral ? Le vieux Le Pen s'est rasséréné. Il est devenu assagi et n'a plus besoin de rugir. Les événements beuglent pour lui. C'est donc sans surprise qu'on se dirige vers un scénario, probablement inversé, de ce qu'on a connu en avril 2001. A la différence près que cette fois-ci, on ne sera pas estomaqués, tant nous aurons été prévenus. En effet, dans sa Une, le Nouvel Observateur de cette semaine, annonce que, non seulement 31% des Français interrogés souhaitent que Jean-Marie Le Pen soit candidat en 2007, mais surtout 36% pronostiquent sa présence au second tour. Il faut dire que la situation française a rarement été plus délétère. L'air politique y est devenu quasi irrespirable. Passe encore que la situation économique et sociale ne soit pas très glorieuse. Passe encore que le moral des gens soit tellement déconfit qu'on est à espérer que le Mondial du foot égayera l'ambiance et jouera son rôle d'antidépresseur. Mais assister à un tel affaiblissement, pour ne pas dire avilissement, du pouvoir politique en France, c'est inédit, y compris en tenant compte de la fin de règne de la période mitterrandienne. C'est que le président de la République ne semble plus rien maîtriser. Il devra tenir, un an durant, sous respiration artificielle. L'homme élu avec 82% des voix, dont la mienne, est aujourd'hui rejeté par 83% des Français. Cela ne l'empêche pas de continuer à avoir une capacité de nuisance d'acariâtre. L'amnistie qu'il vient d'accorder à l'un de ses amis politiques est entachée d'un soupçon : elle peut participer de la tactique de la terre brûlée qu'il peut favoriser pour mieux carboniser son camp. Du moment que cela peut lui éviter de passer la main à Sarkozy… C'est que le Premier ministre qui voulait, en cent jours, donner du jus à la France s'est lui-même caramélisé en douze mois. L'homme au verbe haut et à l'allure superbe, n'est plus que l'ombre de lui-même. Les choses lui filent entre les mains. S'il tient encore debout, c'est seulement par la volonté capricieuse du chef de L'Etat. De Villepin du discours de l'ONU n'est plus. On le découvre groggy comme un boxeur qui a passé une demi-heure sous les coups de Mike Tyson : un uppercut avec les banlieues saccagées comme jamais dans l'histoire de l'urbanisme. Un autre avec le mouvement anti-CPE et un troisième, le pire, avec l'affaire Clearstream qui a des relents nauséeux. Le courage politique aurait voulu qu'il parte. Il a préféré s'accrocher au pouvoir comme un "mollusque sur un rocher". Il en a égaré son orgueil. Et la politique en a perdu son lustre. A gauche, en plus de la balkanisation avec une flopée de particules, le Parti socialiste est tourmenté par le barrissement des éléphants. C'est le combat des ego et des surmoi. Ils ont même inventé TSS : tout sauf Ségolène. C'est dire le degré d'autisme éléphantesque. C'est donc atmosphère, atmosphère à droite. Une gauche atomisée. Une aggravation des thématiques chères à Le Pen. Ce pourrait être sa chance. Son dernier coup de dés. Peut-être gagnant.