En France, l'affaire Clearstream refait surface et ébranle une droite au pouvoir déjà mal en point. Directement mis en cause, le Premier ministre, Dominique de Villepin, risque d'y laisser des plumes. «Corbeau et Clair ruisseau (Clearstream)», ça ressemble plus à un titre d'une fable qu'un scandale politique. Un an après le listing des comptes occultes truqués mettant en cause plusieurs personnalités politiques, parmi lesquels Nicolas Sarkozy ou encore Dominique Strauss-Kahn, le nom du «Corbeau», ce fameux manipulateur manipulé, demeure inconnu. L'affaire se complique de jour en jour. Les acteurs, eux, se multiplient à tel point qu'on ne sait plus qui tire les ficelles, ni qui complote contre qui ? Pour certains, il ne s'agit là que d'un nouveau chapitre dans la guerre Villepin-Sarkozy. D'autres y voient le début de la fin du «système chiraquien». À Matignon, l'affaire commence à sentir le fromage et le Premier ministre, Dominique de Villepin, a intérêt à préparer une parade. Désormais, il ne lui reste plus grand-chose à perdre, si ce n'est que son fauteuil. Pour lui, l'Elysée est déjà perdu surtout après l'échec de son Contrat première embauche (CPE). En effet, après la publication d'un article du quotidien «Le Monde» affirmant que Dominique de Villepin aurait demandé en janvier 2004 au général Rondot une enquête sur Nicolas Sarkozy, le dossier judiciaire Clearstream s'oriente maintenant vers Matignon. La question d'une audition du chef du gouvernement par les juges Jean-Marie d'Huy et Henri Pons, les deux magistrats du pôle financier du palais de justice de Paris, est donc posée même si le parquet de Paris a indiqué qu'il n'avait pas connaissance pour l'heure d'une éventuelle demande d'audition. Si l'audition d'un Premier ministre comme témoin s'est déjà produite une fois, une perquisition à Matignon serait un fait sans précédent. L'audition d'un membre du gouvernement nécessite des conditions particulières, selon l'article 652 du code de procédure pénale : « le Premier ministre et les autres membres du gouvernement ne peuvent comparaître comme témoins qu'après autorisation du Conseil des ministres, sur le rapport du Garde des sceaux, ministre de la Justice». Si cette demande est rejetée, la déposition du Premier ministre peut être «reçue par écrit par le Premier président de la cour d'appel». Interrogé par le Figaro, «de Villepin livre sa version des faits», assurant que l'enquête qu'il a diligentée «a conclu à l'absence d'éléments concrets et probants sur les auteurs de cette manipulation». Si le Premier ministre a bénéficié d'un répit de trois jours grâce au week-end prolongé du 1er mai, il risque fort d'être pris dans une véritable tempête politique à partir de la reprise parlementaire ce mardi. Déjà, le Parti socialiste a réclamé la création d'une commission d'enquête parlementaire. Et nul doute que les tractations allaient bon train ce week-end entre l'Elysée et Matignon pour tenter de trouver une parade. Le sort du Premier ministre dépend en partie désormais de l'attitude du ministre de l'Intérieur Nicolas Sarkozy, muet depuis les révélations du «Monde». Mais il n'est pas certain que la démission d'un Dominique de Villepin soit dans son intérêt. L'"Indépendant du Midi", lui, s'inquiète du «climat de suspicion qui règne désormais au cœur du pouvoir». «Si complot il y a vraiment eu, il a échoué et risque de se retourner contre ses instigateurs. Clearstream, qu'on pourrait traduire par courant clair, deviendrait alors une affaire d'Etat qui donnerait le coup de grâce au chiraquisme finissant», renchérie le journal.