Le Danemark traverse l'une des graves crises de son histoire contemporaine à cause de la publication par un journal du pays de douze caricatures controversées du Prophète. La campagne de boycottage des produits danois, en signe de protestation contre la publication de caricatures du Prophète Mohammed dans un journal danois en septembre dernier, risque de coûter cher aux entreprises danoises, notamment au groupe laitier dano-suédois Arla Foods. Cette société, dont les ventes sont complètements paralysées, écoulait pour plus de 402 millions d'euros par an au Moyen-Orient. Le directeur exécutif d'Arla, Finn Hansen, n'a pas caché son inquiétude face à l'ampleur de l'impact. Un impact qui peut provoquer des chutes vertigineuses du chiffre d'affaires de ce groupe. Selon lui, la seule chose qui peut arrêter le boycott des produits danois est un dialogue direct entre les parties concernées. «Des messages SMS et des e-mails circulent les noms des produits d'Arla. En outre, plusieurs magasins qui continuent à vendre nos produits ont inscrit la mention (produits danois d'Arla) sur ces derniers», a-t-il déclaré. D'après les économistes danois, des milliers d'emplois sont menacés si la campagne persiste. C'est la première fois dans l'histoire qu'un appel au boycott, émanant des pays musulmans, eu un tel effet. Plusieurs appels de ce genre ont été lancés auparavant contre les produits américains, mais ils n'ont jamais eu une telle réaction. En effet, c'est le monde musulman qui s'enflamme. On a eu droit à un véritable raz-de-marée de protestations depuis la publication, il y a vingt jours, d'une série de douze caricatures du Prophète par le magazine norvégien «Magazinet». Ces dessins avaient pourtant été publiés une première fois en septembre 2005 dans le quotidien danois Jyllands-Posten, sans entraîner de réaction importante. Il a fallu cette deuxième parution pour que la colère islamique monte contre le journal danois, premier à publier les dessins. Les caricatures, au graphisme et à l'esprit vulgaires, montrent par exemple le Prophète Mohammed ricanant, une bombe dans son turban. Un blasphème pour l'Islam, qui interdit toute représentation du Prophète. Le sacrilège se double d'un amalgame grossier entre religion et terrorisme, que la presse occidentale n'oserait pas appliquer aux fondateurs d'autres cultes. Le Danemark a tenté de désamorcer cette crise, l'une des graves de son histoire contemporaine. Il s'agit à présent d'une affaire d'Etat. Le Premier ministre danois, Anders Fogh Rasmussen, s'est exprimé en personne dans l'espoir de régler le problème. «Le gouvernement considère cette affaire avec gravité», a déclaré le Premier ministre face aux campagnes de boycottage des produits danois. «Il y a énormément de désinformations et nos diplomates sont à pied d'œuvre pour redresser les malentendus découverts», a-t-il confirmé. «J'ai personnellement un tel respect pour les croyances religieuses des gens que je n'aurais jamais pu représenter Mohammed, Jésus ou d'autres figures religieuses d'une manière qui peut être insultante envers d'autres», avait-il ajouté la veille. M.Rasmussen avait cependant rappelé que «la liberté de presse existe au Danemark où les médias sont libres et indépendants et décident seuls quelles caricatures ils veulent publier». Le chef du gouvernement danois a appelé les chefs religieux de la communauté musulmane au Danemark à prendre leur distance par rapport au boycottage lancé contre les marchandises danoises et de toutes les actions dirigées contre le royaume. Par ailleurs, le quotidien parisien «France-Soir» vient de publier dans son édition de mercredi l'ensemble des caricatures parues le 30 septembre dans le journal danois Jyllands-Posten. Le journal français a expliqué qu'il avait choisi d'illustrer avec la reproduction intégrale de ces dessins la polémique qui «enfle» depuis leur première parution «non par goût gratuit de la provocation, mais parce qu'ils constituent l'objet d'une controverse d'ampleur mondiale qui n'a rien de moins pour enjeu que l'équilibre et les limites mutuelles, en démocratie, entre le respect des croyances religieuses et la liberté d'expression». Affaire à suivre…