Ismaïl Alaoui revient sur le dernier discours royal et le champ politique actuel. Pour le leader du PPS, le Maroc n'a aucun intérêt à se retrouver avec des “Ahmadinajad” au pouvoir. Entretien. ALM : Quel commentaire faites-vous du discours royal sur le rapport du Cinquantenaire et la fin du mandat de l'IER ? Ismaïl Alaoui : Ce fut un discours extrêmement important dans la veine des discours qu'on a entendus lors des dernières années de la bouche de Sa Majesté. C'est le cas concernant les graves violations des droits de l'Homme du passé et les exactions supportées par beaucoup de citoyens. C'est aussi une appréciation positive de l'action de l'IER qui n'absout rien, mais qui, néanmoins, appelle à une réconciliation de l'ensemble du corps national. A côté de cela, Sa Majesté a abordé le rapport présenté par une équipe d'experts qui a fait l'analyse des 50 ans passés au niveau du développement général du pays et surtout sur les perspectives qui nous attendent et attendent nos enfants pour les 20 ans à venir. Je pense que Sa Majesté a été bien inspiré de ne pas trop regarder dans le rétroviseur. Il fallait voir devant et aller de l'avant. C'est ce qui a été fait. C'est un discours d'ontologie et il va falloir maintenant mettre en pratique ce qui a été dit dans ce discours et surtout, il me semble, le passage où Sa Majesté parle du rôle des organisations politiques, de la société civile et de l'Etat. Quel regard portez-vous sur le champ partisan et politique avec une tendance aux coalitions, mais aussi à la création de nouveaux partis ? C'est un paysage politique assez déroutant. On a l'impression qu'on tire à hue et à dia ! Il y a cette tendance pour les regroupements à divers niveaux, mais il y a aussi cette tendance à la prolifération des petites organisations. C'est assez paradoxal. Cela signifie que le champ politique marocain est encore très instable, qu'il n'y a pas encore eu de décantation à son niveau et que, par conséquent, il faut engager, encore et encore, les discussions et les débats pour essayer de trouver des dénominateurs communs et regrouper le maximum de forces politiques. Pour notre part, nous y sommes tout à fait disposés. Nous engageons chaque fois le dialogue avec les forces qui le veulent bien. Nous voudrions avoir suffisamment de temps pour justement contacter l'ensemble des forces nationales pour discuter des problèmes de notre pays et arriver à un consensus qui ne serait pas un consensus mou. Il faut mettre toutefois les points sur les I et préciser à la fois ce qui nous regroupe. Je pense que ce qui nous regroupe est plus fort que ce qui nous différencie. Je ne nie pas la nécessité de différenciation, c'est une exigence de la vie sociale et politique. Mais, en même temps, nous avons des devoirs et des obligations vis-à-vis des générations futures qui font que nous devons trouver le moyen de mobiliser le maximum de nos forces pour dépasser tous les handicaps recensés par le rapport présenté à Sa Majesté le Roi. Généralement, vous êtes au PPS, plutôt proche de l'USFP et du PI. Actuellement, on relève une sorte de mise à l'écart de votre parti. Qu'en dites-vous ? Je ne suis pas de l'avis de pas mal de journalistes qui estiment que nous sommes mis à l'écart. Je peux vous dire qu'actuellement, il y a des retrouvailles que nous souhaitons permanentes. Jusqu'à aujourd'hui, il n'y a pas de mémorandum commun comme vous disiez. J'ai rencontré Mohamed Elyazghi et nous nous sommes mis d'accord pour nous rencontrer en présence de responsables de nos deux partis pour approfondir la réflexion autour d'une action commune possible. Moi, je pense que cette action est toujours possible dans le cadre bilatéral, mais aussi au niveau de la Koutla. Si les deux partis estiment qu'ils peuvent établir un programme commun, rien n'empêche qu'ils nous proposent aussi ce programme et que nous y mettions notre petit grain de sel. Je pense que cela serait positif pour tout le monde et si les deux partis envisagent de présenter des candidats communs, nous pourrons envisager la même chose avec eux ou avec d'autres forces politiques et d'abord toutes les forces de gauche qui ne sont pas concernées par le duo USFP-PI. Sinon, quels sont les enjeux de votre congrès national ? Etes-vous candidat à votre propre succession ? Je n'ai jamais été candidat à quoi que ce soit et je vous l'avoue franchement. Ce sont mes camarades qui ont exigé de moi d'assumer cette responsabilité et je le fais, je crois, avec sérieux et abnégation. Je ne me porte jamais candidat à quoi que ce soit. Je suis entré en politique par fidélité à mes convictions et je n'ai jamais pensé faire de ma participation à la politique nationale un étrier pour quoi que ce soit. Le but de notre 7ème congrès est de regrouper toutes les forces de notre parti et je lance un appel à tous les camarades, tous ceux qui à un moment ont perdu contact ou foi dans l'action politique. Je leur dis que nous sommes ouverts pour les accueillir chez eux. Nous sommes d'ailleurs ouverts à tous ceux qui partagent nos idéaux, principes et but. Notre but, en définitive, est de permettre à tout le peuple d'avoir une vie digne. Je pense essentiellement à tous les déshérités, à tous les prolétaires et à ceux qui sont restés marginalisés pendant trop longtemps. Nous estimons que la priorité doit être donnée à toutes ces catégories qui n'ont pu bénéficier des progrès enregistrés par notre pays comme l'a signalé Sa Majesté. Ce ne serait que justice. Sa Majesté a appelé à une concertation avec les partis au sujet du Sahara. Qu'en pensez-vous ? Avez-vous déjà arrêté la formulation de votre position ? Nous sommes prêts et nous attendons que Sa Majesté appelle les partis politiques pour qu'ils s'expriment. Nous allons nous concerter encore plus avec nos camarades au sein de l'Alliance socialiste et je crois que des rencontres à ce sujet sont possibles avec nos amis de l'USFP et de l'Istiqlal pour nous concerter avec eux encore une fois. En tout cas, notre position est prise et la primeur revient évidemment à Sa Majesté le Roi. Nous avons toujours demandé que la régionalisation devienne une réalité tangible. Nous appelons à une démocratie participative, c'est-à-dire à une démocratie qui permet au citoyen de se prendre en charge directement et à tous les niveaux, du niveau du douar jusqu'au Parlement. Nous allons demander à harmoniser cette exigence de la régionalisation avec les exigences de la politique internationale qui impose certains choix. Je pense que cela ne contredit en rien ni notre volonté de maintenir l'unité territoriale de notre pays ni la volonté que les Marocains, de Tanger à Lagouira, puissent bénéficier de cette régionalisation en termes de libertés et de démocratie qui reste à parfaire. Quel regard portez-vous sur le Maroc depuis le premier gouvernement Youssoufi ? Je crois que beaucoup d'actions ont été réalisées, mais beaucoup reste à faire et beaucoup d'erreurs ont été commises. Beaucoup de manquements ont été enregistrés. Je le constate au niveau de l'Education nationale par exemple. Il y a un travail qui a été entamé mais qu'il est temps de parfaire. C'est la généralisation de l'enseignement. Il ne s'agit pas de faire en sorte que les statistiques soient satisfaisantes au moment de la rentrée scolaire, mais de lutter contre les déperditions. Malheureusement, ces déperditions paraissent avoir augmenté ces dernières années. Il ne faudrait pas répéter le mythe de Sisyphe. Je pense que nous n'en avons pas le droit. C'est l'un des aspects qu'il va falloir rectifier. Il y a aussi un autre aspect : après 50 ans d'Indépendance et tant d'années d'alternance consensuelle, nous n'avons pas beaucoup avancé en termes de liquidation de l'analphabétisme et de l'ignorance sachant que cela ne se limite pas seulement à apprendre aux gens à lire et à écrire. Il faut faire en sorte de promouvoir leur niveau de connaissances générales. C'est pourquoi nous proposons au PPS d'engager une action sur 20 ans d'abord pour combattre l'analphabétisme, mais aussi pour la promotion des connaissances générales des citoyens. Là, je tiens à saluer l'initiative des universités populaires du Secrétariat d'Etat à la Jeunesse. C'est une chose extrêmement importante et il va falloir trouver le lien entre ces universités et cette promotion des connaissances générales pour protéger le peuple contre toutes les déviations, et elles sont multiples, qui le menacent. Pour 2007, certains agissent comme si la victoire était déjà acquise pour le PJD. Qu'est-ce que vous en pensez ? Il n'est pas sûr du tout que cela se concrétise. Si cela arrive, chacun assumera ses responsabilités. Si le PJD est vraiment un parti acquis aux idéaux de la démocratie, il abandonnerait le double langage et c'est malheureusement ce que nous constatons. Ils se disent démocrates, respectueux des autres, mais nous constatons qu'ils ont parfois des accès de fièvre extrêmement graves et dangereux : le film "Marock", c'est une création artistique qui vaut ce qu'elle vaut, les festivals, la condamnation de ceux qui envoient leurs enfants dans les écoles des missions… Tout cela fait beaucoup de manquements aux règles de la démocratie et de la liberté. Il faut que notre peuple en soit conscient et je serais vraiment malheureux si notre pays se retrouve avec des hommes comme M. Ahmadinajad aux postes de responsabilité. Je crois que nous n'avons aucun intérêt à ce que nous nous retrouvions dans une situation pareille.