L'hôtel Lincoln, qui était un joyau architectural, tombe en miettes. Plusieurs adolescents occupent la bâtisse. Le pire est encore à craindre Il est 21 heures passées. A la rue Abdallah Mediouni, les lampadaires renvoient une lumière pâle sur l'asphalte où s'amoncellent des amas d'immondices. Une dizaine de silhouettes frêles se faufilent dans une imposante bâtisse par une porte de garage à peine relevée. L'immeuble en question, c'est l'hôtel Lincoln. Les silhouettes sont celles d'une dizaine d'adolescents mal fagotés. Le ballet est immuable depuis plusieurs mois. Des bandes d'enfants de la rue et de clochards squattent le bâtiment. Leur âge varie entre 10 et 20 ans. Ils ont fait de l'ex-hôtel un repère où ils se retrouvent chaque soir après une longue journée d'errance. Jusque-là rien qui puisse véritablement inquiéter si ce n'est que ces jeunes individus se mettent, à la nuit tombée, à jeter des pierres et des sacs remplis de détritus sur les passants. Les voisins sont furieux. Hassan, qui habite le quartier depuis plus d'une vingtaine d'années, tonne contre le laisser-aller des autorités de la ville : «Au début, on nous avait dit que le problème de l'hôtel Lincoln allait être réglé rapidement. Mais rien n'a été fait. Et on se retrouve maintenant face à une situation intenable.» Il est vrai que certains de ces gosses qui passent leurs journées à sniffer de la colle deviennent violents avec le coucher du soleil. On n'est pas loin de la psychose. Une vieille femme qui habite, elle aussi, non loin de là s'indigne : «L'hôtel est infesté de Chamkaras. Moi je n'ose plus passer à côté.» Il est vrai que les commerçants et les habitants du quartier ont peur que la bâtisse ne se transforme en un nid de malfrats en herbe. D'ailleurs, des bagarres éclatent parfois entre ces adolescents. De ce fait, la sécurité dans les environs se trouve ainsi compromise. Déjà, les trottoirs de l'autre rue qui borde l'hôtel est le théâtre, le soir venu, d'un commerce assez louche. Des femmes profitent de l'obscurité pour proposer leurs corps aux automobilistes et aux passants. Le cocktail est explosif. Le centre historique de Casablanca est en train de devenir, peu à peu, un quartier mal famé. L'hôtel Lincoln devient une menace réelle pour la sécurité des riverains. Il est temps de tirer la sonnette d'alarme.