Capitulez en bonne conscience, mais ne prenez pas les marocains pour des imbéciles ! La symbolique est importante. Le jour même du 30ème anniversaire de l'assassinat de Omar Benjelloun, «Attajdid», journal dirigé par un ancien membre de la «Chabiba Islamya» organisation qui a commandité et organisé le meurtre, publiait une interview de Mohamed Lemrini, membre du bureau politique de l'USFP. Même pour parler de l'air qu'il fait cela est indélicat. M. Lemrini, lui, a défendu la nécessité d'un bloc historique entre l'USFP, l'Istiqlal et «les mouvements à référence islamique». Il ne précise pas contre qui mais, sans nuance aucune, annonce que ce bloc est ouvert non seulement au PJD mais aussi à la Jamaâ des illuminés.Comme cadeau à ce mariage il a fait classe. «Le terrorisme ne peut en aucune manière être lié aux mouvements islamistes, il est le produit objectif de la mondialisation et ce sont les USA qui l'ont créé». M. Lemrini oublie que son premier secrétaire avait dit le contraire, mais depuis beaucoup d'eau a coulé sous les ponts. L'énoncé idéologique de Lemrini n'a pas de quoi surprendre. Il est issu du panarabisme mâtiné de maoïsme. Le projet historique étant en lambeaux, les panarabistes finiront tous chez les islamistes, c'est leur destin. Jabri a montré la voie, les autres suivent, ce n'est qu'une question de rythme. Il se trouve que Lemrini parle au nom d'un parti qui s'appelle l'USFP et que celui-ci est le produit de la lutte des masses et qu'en son sein existe un fort courant de gauche moderniste qui, lui, a rompu avec le panarabisme depuis très longtemps, sous la férule de Omar Benjelloun par ailleurs. Lors de l'enterrement de Abderrahmane Chennaf, monument du syndicalisme et de l'USFP, tous les présents ne parlaient que de cet interview. Entre les incrédules et ceux qui annoncent qu'ils vont partir, quitter le pays, le débat s'est engagé. Et si c'était vrai, et s'ils nous préparaient réellement ça ? Car ce qu'il y a de bien avec les vieux briscards, c'est qu'ils ne sont pas imbéciles. Jamais Lemrini n'avait fait cette sortie sans un aval quelconque, il sait qu'il est fragile au sein de l'USFP. En d'autres termes, il s'est chargé du Ballon d'essai. De là à prendre la fuite, il y a un pas que les militants dans leur majorité ne feront pas. Les réponses à Lemrini et à ceux qui citent l'Allemagne pour dire pourquoi pas, sont d'une évidence particulière pour les socialistes. L'islamisme est somme toute un fascisme très banal. Ils sont tout simplement l'antithèse du projet moderniste démocratique que nous voulons construire. Ils résument l'identité nationale à la religion, minorent la femme, nient la science, refusent l'émergence de l'individu et son corollaire les libertés individuelles, veulent et ont réussi à « talibaniser » l'enseignement. Ils sont réellement totalitaires. Cette pensée est celle qui sévit chez leurs troupes, le danger que constituent celles-ci ne peut être occulté par le fait que quelques dirigeants montrent patte blanche ou sont d'une éducation parfaite, ce qui est tout à fait possible. Quant au terrorisme, si M. Lemrini avait lu ses classiques, il saurait que c'est un phénomène lié à une vague et qu'il n'est que l'expression violente décidée d'une certaine impatience. Les socialistes révolutionnaires lors de la révolution russe, la bande à Bader et Action directe après Mai 68 et maintenant le terrorisme islamique, ni Ramid ni Othmani ne sont impliqués directement dans les attentats du 16 mai, mais leur idéologie, l'islamisme ne pouvait pas ne pas secréter le terrorisme. L'ennemi c'est l'intégrisme, le terrorisme n'est que l'une des expressions de sa montée. Par ailleurs l'USFP va-t-il s'allier au PJD après les élections? Ce n'est plus du domaine de l'impossible et la marginalisation du PPS prendrait alors un autre sens. Les forces de résistance à cette dérive existent à l'intérieur du Parti mais aussi au sein de la société. Ces forces dégageront leurs propres caches, car une telle décision signifierait la fin de l'USFP comme produit historique de la lutte du peuple marocain et rien d'autre. Ce qui va se passer dans les prochains mois est crucial, et le rôle des intellectuels n'est pas négligeable pour mettre fin à cette hérésie. Une phase importante de notre histoire se joue en ce moment, que chacun prenne ses responsabilités et l'histoire jugera. Quant à comparer Merkel à Othmani ou le PJD à la Démocratie chrétienne, les capitulards pourraient trouver mieux. Merkel et la CDU sont réellement démocrates et ne menacent pas de changer les règles du jeu, ni d'organiser la régression sociale. Capitulez en bonne conscience mais ne prenez pas les Marocains pour des imbéciles !