Le renforcement du Hamas, découle, non de ses positions politiques qui contestent l'existence de l'Etat d'Israël, mais de la qualité de ses dirigeants qui ne sont pas soupçonnés de corruption. A la clôture des élections municipales palestiniennes, en Cisjordanie~ le Hamas se renforce. D'autant qu'au cours de ces élections, à un mois et demi des élections parlementaires qui doivent se tenir le 25 janvier 2006, le Hamas l'emporte dans 3 grandes villes sur les 4, à savoir: Naplouse, Jénine et El Biré. Le Fatah ne l'a emporté qu'à Ramallah, où la majorité des sièges municipaux, sont réservés aux chrétiens. A Naplouse, le Hamas a recueilli 65% des suffrages, contre 15% au Fatah. Au cours de toute l'année des élections locales tenues dans 150 municipalités, le Fatah l'a certes emporté dans 90, mais le Hamas a pris la majorité dans une soixantaine. Il semble que la profonde crise que traverse le Fatah soit confirmée par la présentation, mercredi dernier, de deux listes rivales aux prochaines élections législatives. Cette scission a, probablement, eu une grande influence sur les derniers résultats. Le grand quotidien Haaretz a présenté, vendredi dernier, un éditorial, mettant en garde contre le danger de l'affaiblissement du Fatah. «Ce mouvement s'est pratiquement divisé, en présentant à la Commission électorale, deux listes rivales: celle des vétérans de Tunis, dite de l'extérieur et, celle des jeunes, dite de l'intérieur». Cette scission est une affaire intérieure palestinienne, mais elle pourrait avoir des répercussions sur les rapports avec les Israéliens. D'autant que le «condamné à perpétuité», Marouane Bargbouti, est à la tête des jeunes : la demande de libération de prisonniers palestiniens prendra, plus de poids, dans le cas de reprise de négociations entre l'Autorité palestinienne et les Israéliens. Il est nécessaire de constater que l'arrière fond de la scission du Fatah, est bien la lutte entre « vétérans et jeunes » qui s'est durcie depuis la mort du Président Yasser Arafat. Sur le plan politique, on peut constater de réelles divergences entre les deux groupes du Fatah. Parmi les dirigeants des « vétérans », on retrouve le nom du Chef du gouvernement palestinien, Abou Ala (Ahmed Qoreï), un des architectes des Accords d'Oslo. A la tête des «jeunes», figurent Mohamed Dablan et Jibril Radjoub, qui sont au centre des contacts avec les Israéliens. Sans omettre, parmi les «jeunes », un grand pourcentage d'anciens prisonniers dans les prisons israéliennes, et militants de la première Intifada. La scission affaiblit, donc, terriblement le Fatah «le parti au pouvoir et menace sa suprématie au niveau palestinien », précise l'éditorial de Haaretz. Les sondages électoraux, à Gaza, et en Cisjordanie, indiquent, en effet, une baisse de la popularité du Fatah, au profit du Hamas. Le renforcement du Hamas, découle, non de ses positions politiques qui contestent l'existence de l'Etat d'Israël, mais de la qualité de ses dirigeants qui ne sont pas soupçonnés de corruption : le public palestinien en a bien assez de cette corruption et du «pourrissement », dit-il, de la direction traditionnelle. Pour se débarrasser de cette image négative, les «jeunes» du Fatah exigent des élections primaires au sein du parti, pour fixer la liste des candidats au Parlement palestinien. La tenue de ces «primaires» s'est heurtée à des accusations de falsifications et à l'intervention de bandes armées: cependant, là où elles ont pu se tenir, les «jeunes» l'ont emporté... Ce que la vieille garde, rappelons-le, a refusé d'entériner et c'est, cela, qui a engendré la scission. Il est donc, évident, que la grande popularité dont jouissent les «jeunes», est seule à pouvoir affronter la concurrence du Hamas. Les «vétérans» avaient tout intérêt, à intégrer leur jeune génération dans leurs listes. Donc, les deux listes du Fatah ne peuvent que faire gagner des voix supplémentaires au Mouvement Islamique, et mettre en danger les chances d'une reprise du processus politique envisagé par Mahmoud Abbas. La révolution menée de sa prison, Marouane Barghouti a abouti à la présentation de deux listes. Dont celle du «Moustaqbal» avec à sa tête le prisonnier et celle de la «Ouma », des «vétérans» de Tunis, avec également à sa tête Marouane Barghouti. Celui-ci a battu l'ancienne direction, mais le vrai combat pour la nouvelle direction de l'Autorité palestinienne, aura lieu le 25 janvier 2006, aux élections pour le Parlement. Face au Hamas qui s'est promis de battre, également la nouvelle liste. Mabmoud Abbas (Abou Mazen) «n'arrive pas à intérioriser l'évaluation de la société palestinienne et à comprendre que sa génération, - celle de Tunis -, a perdu sa prédominance, depuis le décès du Président Yasser Arafat », écrit l'analyste Roni Shaked, dans 1e journal Yediot Aharonot. Il semble que Mahmoud Abbas ne retienne pas que les générations nouvelles, des militants de la première et de la deuxième Intifada, soient devenus « les dirigeants de la rue palestinienne et demandent le départ des vieux. Barghouti étant tête de liste». Dans la réalité, le Président de l'Autorité palestinienne reste déchiré entre sa fidélité aux hommes de sa génération et la pression des jeunes... Il ne peut que faire semblant de «jouer le jeu». Mahmoud Abbas a annoncé, tout d'abord, que Marouane Barghouti sera en tête de liste, suivi des hommes de Tunis et en dernier lieu des jeunes de l'intérieur. Ceux-ci ont refusé et Abou Mazen n'a alors pu mettre en premier, Abou Ala et Marouane Barghouti, après lui, seulement. Face aux protestations des jeunes, Abou Ala a déclaré démissionner en plaçant son Président, dans le plus grand embarras. Mais celui-ci a annoncé, malgré tout, que les élections auront lieu à la date fixée en affirmant : « Peu importe qui l'emportera. Nous respecterons le verdict des urnes ». C'est pourquoi, Marouane Barghouti, de sa prison, a formé sa propre liste «AI Moustaqbal ». Les «jeunes », Dahlan et Radjoub, sur le terrain, auront à faire preuve, devant toute adversité de la concurrence électorale du Hamas. Et, avec leur dynamisme, dit-on, ils risquent de réussir... Mais le grand perdant risque d'être Mahmoud Abbas (Abou Mazen). Il restera, cependant, le Président de l'Autorité palestinienne «jusqu'à la fin de son mandat, en prenant, en considération les jeunes », affirment ses proches. . La véritable passation de pouvoir, entre les générations ne se produirait que dans quatre ans, à la fin du mandat de Mahmoud Abbas! « Mais, le prochain président pourrait bien être Marouane Barghouti », considère l'analyste Roni Shaked... En attendant, dans la réalité de ce jour, le Hamas a infligé une défaite aux élections municipales. Cette victoire du mouvement islamiste n'a pas surpris. Tous les observateurs de la scène palestinienne, depuis des années, avaient détecté cette tendance. Mais les décideurs, en Israël comme dans le monde, sont restés attachés à leurs anciennes positions, même si elles n'avaient plus de prise sur la réa1ité. Les Etats-Unis ne cessent «d'entamer le refrain sur la démocratisation et la libération de l'Autorité palestinienne voire de féliciter Mahmoud Abbas d'avancer dans la bonne voie» (Roni Shaked). Cela n'empêche pas la Chambre des représentants américaine, de mettre en garde contre la participation du Hamas aux élections législatives, en assurant : «En démocratie un parti ne peut entretenir une milice armée. Si le Hamas l'emporte au Parlement palestinien, Washington reconsidérera son soutien financier à l'Autorité palestinienne». Le responsable des Affaires étrangères de l'Union Européenne, Solana, dira la même chose, lors de sa visite à Rafah. C'est pourquoi, le grand analyste de gauche, Dany Rubinstein (Haaretz) remarque: « Aussi étrange que cela puisse paraître, la victoire impressionnante du Hamas aux élections municipales, et ses chances de succès aux élections législatives, suscitent chez ses dirigeants. certes de la joie, mais aussi certaines inquiétudes », Même si, la Secrétaire d'Etat Condoleeza Rice, pensait que la démocratie s'installerait en Palestine par l'ouverture du passage de Rafah, sur la frontière avec l'Egypte et passerait en Cisjordanie. En Europe, malgré le développement de l'Islam, les voyants rouges ne se sont pas allumés. Il y a même des appels d'ouverture du dialogue avec le Hamas, accompagnant les menaces de l'Union Européenne. Certains ont demandé aux représentants du mouvement islamiste : Que ferait-il, s'il emportait la majorité au Parlement ? Formerait-il le nouveau gouvernement ou s'y joindra-t-il? Ils ont refusé de répondre. La raison, dit-on, est claire, car le Hamas sait : celui qui prend le pouvoir ou s'occupe de politique doit être disposé à faire des concessions. Il lui sera impossible, notamment, de continuer à proclamer à son idéologie intransigeante de non reconnaissance d'Israël, s'il doit diriger l'économie palestinienne. D'autant que les dirigeants du Hamas le savent. Les sondages, sans cesse, indiquent que 60 à 70% des Palestiniens sont favorables à la poursuite de la trêve et à la solution de deux Etats, côte à côte. Certes, les Palestiniens rejettent la corruption et les gaspillages du gouvernement du Fatah. Et le Hamas sait, aussi, que seule l'Organisation de Libération de la Palestine (OLP), mène officiellement des négociations avec Israël et non pas le Parlement palestinien. Tout le monde sait que les dirigeants du Hamas veulent se concerter, - malgré leur lutte contre Israël, mais en refusant d'être liés aux attentats -, sur deux tableaux ; d'un côté, prôner des réformes en tant que parti dominant au Parlement et, de l'autre, laisser Mahmoud Abbas et ses amis du Fatah, le rôle des compromis avec les Israéliens. Les dirigeants du Hamas sont, également, attentifs aux avertissements des Etats-Unis, de l'Union Européenne et d'Israël et à la résolution adoptée par le Congrès américain, même venant trop tard, après la victoire acquise. Aujourd'hui, Mahmoud Abbas ne peut retarder les élections, même si le Fatah prétend « saboter les urnes si le Hamas l'emportait ». Car, cela serait l'anarchie que le Hamas et le Jihad Islamique pourront traduire en tirs de Kassam sur le territoire israélien et en attentats-suicides. Même si pour les Palestiniens, il apparaît, comme pour le Hamas, que la démocratie ne serait qu'un moyen de conquête du pouvoir : «ce n'est pas une valeur, une culture du pouvoir. Dans une réalité d'anarchie, à Gaza et en Cisjordanie, les élections risqueraient de déboucher sur une troisième Intifada» (Rony Shaked). Dans tous les cas, une anarchie au sein du Fatah, faciliterait la tâche au Hamas «pour convaincre les électeurs, ce qui semble assurer d'avance leur succès aux élections au Parlement palestinien, le 25 janvier 2006» (Dany Rubinstein).