Après son évasion de la maison de redressement de Tit Mellil, Saïd est retourné chez lui à Tnine des Chtouka, province d'El Jadida, où il a tué sa belle-sœur. Crime non élucidé. Tête appuyée sur ses deux mains, Saïd est assis sur une pierre, pas loin de chez lui dans la région de Tnine des Chtouka, au nord-ouest d'Azemmour. Un moment plus tard, la sonnerie de son téléphone interrompt sa rêverie. C'était sa mère. L'appel de cette dernière semble l'avoir tiré du tourbillon d'idées noires qui lui hantaient l'esprit. C'était l'heure du déjeuner. Il rentra sans tarder chez lui. Après avoir lavé ses mains, il a rejoint sa mère, sa sœur, sa belle-sœur et une amie de la famille. Seul son frère aîné qui travaille hors du douar était absent de ce déjeuner familial. «Mange mon enfant, mange», lui dit sa mère. N'ayant pas un bon appétit, Saïd mangeait peu et très lentement. Sa sœur, sa belle-sœur et leur amie n'ont pas fait attention à lui puisqu'elles étaient préoccupées à converser. Elles ne se sont même pas rendues compte de ses regards foudroyants qu'il jetait sur elles. Tout à coup, il s'est levé rapidement pour sortir de la chambre. Les quatre femmes n'ont rien compris. L'air interrogatif, elles se sont contentées de le regarder sortir. Un instant après, il est retourné et a pris place autour de la table, mais sans mettre sa main au plat. Soudain, il s'est jeté sur sa belle-sœur avec un couteau à la main. Sa mère, sa sœur et l'amie de la famille ont commencé à crier et à demander secours pendant qu'il assénait des coups successifs à la victime jusqu'à rendre son dernier soupir. Pourquoi l'a-t-il tuée? Personne ne savait le mobile. Sa mère, sa sœur et l'amie hurlaient. Quant à lui, il est sorti comme si rien ne s'etait passé. Il ne s'est même pas éloigné de la maison. En mettant ses mains dans les poches de son pantalon, Saïd est resté juste à côté, en train de contempler de temps en temps les visages des voisins qui sont venus de loin pour savoir ce qui s'est passé. Personne n'a osé s'approcher de lui, bien qu'ils le connaissent depuis sa naissance. Après avoir quitté très tôt l'école, il a commencé à travailler dans les champs, comme son père. A son quatorzième printemps, un incident s'est produit qui a changé le parcours de sa vie. Harcelé par un jeune homme, Saïd a fini par lui donner des coups de couteau. Bien que la victime n'a pas rendu l'âme suite à ses graves blessures, Saïd a été condamné à dix ans de réclusion criminelle qu'il devait passer à Tit Mellil. Trois ans après sa détention, il s'est évadé et est retourné chez lui. Seulement, il n'est plus l'enfant qu'il était. Il est devenu très renfermé et n'adressait la parole à personne. Il délirait de temps en temps et priait sans cesse en dehors du temps des cinq prières. Sa mère et son frère ont tenté de l'aider à changer de comportement et devenir plus sociable. Ils lui ont expliqué à maintes reprises qu'il doit travailler pour gagner sa vie et participer aux charges de la famille. Mais en vain. Il est resté recroquevillé sur lui-même. Jusqu'au jour du crime. Pourquoi l'a-t-il commis ? lui ont demandé les éléments de la gendarmerie. Embarrassé, il a commencé à dire n'importe quoi. «Elle était indigne et cruelle», a-t-il expliqué. «Elle insultait ma mère et ma sœur», a-t-il ajouté tentant de justifier son crime. Mais, la mère, la sœur et l'épouse ont tous attesté que la victime les respectait et les appréciait. Elle jouissait d'une bonne réputation au douar. Bizarre ! Saïd s'est emmuré ensuite dans le mutisme. Bien qu'il ait avoué son crime, il s'est abstenu d'expliquer la raison. Il fallait attendre une journée pour qu'il décide enfin de dire ce qu'il considère le vrai mobile : «Je l'ai tuée parce qu'elle voulait me pousser à commettre un péché, celui de tromper mon frère». Un mobile que personne n'a cru.