Hammadi Ahmidouch estime que la Fédération est allée trop loin avec Philippe Troussier. Un salaire faramineux sans objectif réel. Pour cet entraîneur national, Badou Zaki n'aurait jamais dû partir. Entretien. ALM : Quel commentaire faites-vous à propos du contrat passé avec Philippe Troussier ? Hammadi Ahmidouch : C'est un contrat que tout le monde connaît aujourd'hui malgré un certain mystère dont on essaye de l'entourer. Pour moi, il est anormal qu'on dépense ces sommes faramineuses pour un football local qui est malade. Nous avons plus besoin de réformer notre direction technique avec des entraîneurs locaux et nous avons des cadres nationaux qui peuvent réussir dans cette orientation. Quant à faire venir un entraîneur étranger pour accaparer toutes les élections nationales, c'est une erreur monumentales d'autant plus que le travail de base avec les élections des jeunes ne va pas de pair avec l'orientation de l'équipe nationale A qui est composée pour la majorité de joueurs évoluant à l'étranger. Le travail de profondeur doit se faire en Europe dans ce cas car les jeunes au Maroc risquent de ne jamais pouvoir atteindre cette sélection. On parle aussi de l'absence d'objectifs réels pour le mandat de Troussier. Qu'en pensez-vous ? Effectivement, il n'y a aucun objectif qui nécessite autant de moyens mobilisés à moins de gagner la Coupe du monde ! En plus, ce choix n'est pas valable parce que, avec tout le respect que je lui dois, l'entraîneur actuel n'est pas le plus indiqué, vu l'offre internationale en cadres du football. M'hamed Fakhir ou Fethi Jamal auraient pu faire l'affaire, beaucoup mieux et à moindres frais. En plus, ils ont l'adhésion de tous les entraîneurs nationaux. Le choix du mot « Manager », il faut le signaler, n'a pas sa place dans une fédération. C'est une fédération composée de membres élus et une direction technique qui n'est toujours pas là. Justement, que préconisez-vous concernant ce point ? Il faut d'abord créer des départements. Il nous faudra un département «Football d'élite», un autre pour le foot de masse qui se chargera de la vulgarisation, un autre pour la formation des joueurs, et encore d'autres pour divers aspects comme la communication, la documentation et les archives, mais aussi un énième département dédié à l'arbitrage. Si on met à la tête de tout cela un bon cadre, nous pourrons alors récolter les fruits de notre travail. Malheureusement, on continue à travailler de manière unilatérale. Ce qui me fait personnellement mal, c'est qu'on continue de mentir aux gens. C'est insupportable. Cela fait trente ans, par exemple, qu'on parle de professionnalisation et de mise à niveau, mais cela n'a jamais marché et toujours pour mauvaise préparation. Quel est, d'après vous, le salaire décent qui doit être consenti à un entraîneur national ? Un montant variant entre 50.000 et 100.000 dirhams est à la fois suffisant et honorant. Moi-même et Mohamed Jebrane nous percevions un salaire mensuel de 5.000 dirhams au moment où nous étions chargés de l'équipe nationale qui s'était classée troisième lors de Coupe d'Afrique des Nations en 1980. C'est cette équipe que nous avions préparée en plus pour faire l'ossature de la sélection de Mehdi Faria qui a fait des merveilles en 1986. Avec le salaire de Philippe Troussier, on pourrait faire appel à une centaine d'entraîneurs nationaux, les disséminer à travers le Royaume et révolutionner la pratique de ce sport ! Pensez-vous que Zaki devait partir ? C'est une erreur que d'avoir accédé à la demande de Badou Zaki, mais c'est une démission voulue, on l'y a poussé. C'est vrai que, quelque part, il n'a pas su gérer la qualification à la Coupe du monde en Allemagne, mais il aurait donné de très bons résultats lors de la prochaine Coupe d'Afrique des Nations en Egypte. C'est pour vous dire qu'on ne change pas de roue à 100 mètres de l'arrivée ! Dans deux ans à peu près, on devra tout refaire, reprendre à zéro et c'est dramatique.