À quoi riment les accusations de M. El Khatib à l'encontre d'un homme dont on ne connaît toujours pas les assassins, ni retrouvé le cadavre, une figure de proue du Maroc dont la famille n'a pas encore fait le deuil jusqu'à aujourd'hui ? Un pavé dans la mare a été jeté par Abdelkrim El Khatib. Dans un entretien accordé à notre journal, l'ex-secrétaire général du Parti de la Justice et du Développement (PJD) a revisité l'histoire contemporaine du Maroc dont il est à la fois acteur et observateur privilégié. Que dit M. El Khatib ? En gros, il explique que Mehdi Ben Barka, qui agissait alors en homme fort du parti de l'Istiqlal, était le premier responsable des assassinats politiques post-indépendance d'un certain nombre de figures du parti de la Choura. Pour corroborer son propos, il indique que le leader de la gauche marocaine enlevé à Paris en 1965, lui a demandé de supprimer certaines personnalités dont Fatmi Benslimane qui dirigeait le premier gouvernement marocain après les accords d'Aix-Les-Bains. À quoi riment les accusations de M. El Khatib à l'encontre d'un homme dont on ne connaît toujours pas les assassins, ni retrouvé le cadavre, une figure de proue du Maroc dont la famille n'a pas encore fait le deuil jusqu'à aujourd'hui ? Et puis la question qui se pose d'elle-même : pourquoi M. El Khatib a choisi d'agir de la sorte en ce moment alors qu'il aurait pu le faire bien avant ? Pourquoi a-t-il décidé de rompre le silence au soir de sa vie, du reste riche et remplie ? A-t-il cédé lui aussi à la tentation du grand déballage ? En tout cas, la sortie sulfureuse de l'intéressé, réputé pour être un homme du sérail qui a ses entrées auprès des autorités du pays, coïncide avec deux faits d'actualité précis : L'arrivée au Maroc d'un juge français dans le cadre de la Commission rogatoire relative justement à l'affaire Ben Barka et la fin du mandat de l'Instance Équité et Réconciliation (IER) qui a organisé des auditions publiques sur les abus des années de plomb. Abdelkrim El Khatib cherchait-il à adresser un message au juge français en lui présentant le “vrai Ben Barka“ qui selon ses dires n'est pas blanc comme neige et aurait même commandité des assassinats de ses opposants ? L'objectif étant de suggérer peut-être que le fondateur de l'UNFP mérite le sort qui lui a été réservé. Le fkih Abdelbari Zemzmi n'avait-il pas contesté il y a quelques années, la qualité de martyr à Mehdi Ben Baraka, provoquant ainsi une grosse indignation dans les rangs de l'USFP ? Concernant l'IER, Abdelkrim El Khatib avait dit publiquement son opposition à ce grand travail de mémoire nourrie vraisemblablement de sa crainte d'ouvrir la boîte de Pandore et surtout de faire le procès de l'ancien règne dont il était très proche. Accuser Ben Barka et partant la gauche marocaine, qui voulait renverser le régime de feu Hassan II, pourrait être pour El Khatib un moyen de rétablir un certain équilibre en signifiant que les méchants et les bourreaux étaient aussi et surtout dans le camp adverse. Mais en accusant les morts comme il l'a fait, ce vieux briscard de la politique a pris le risque d'être mis dans le même sac que ceux qui remuent la boue du passé pour des raisons inavouées. Le Maroc n'avait pas besoin de cela à un moment où il a initié avec succès une action de réconciliation des Marocains avec leur passé pour qu'ils se consacrent au présent et à l'avenir. Quant à l'histoire, il faut la laisser aux historiens. Des déclarations comme celles d'El Khatib s'écartent pour le moins de cette volonté farouche de tourner définitivement la page après bien- sûr l'avoir lue.