Rencontrés au lendemain de la projection en avant-première, vendredi, de leur nouveau film «Rebel» au Cineatlas à Rabat, les deux réalisateurs en révèlent les dessous. L'occasion de les interroger également sur le budget de cette production qui raconte l'histoire de jeunes qui intègrent les camps de Daech. Le tout à leur propre manière. A découvrir dès le 31 août dans les salles obscures. ALM : Votre nouveau film «Rebel» vient d'être projeté en avant-première à Rabat. Qu'est-ce que cela vous fait ? Adil El Arbi : Pour nous, c'est très important parce que nous sommes belgo-marocains. Nous nous considérons plutôt Marocains. Notre famille et notre héritage viennent d'ici. Donc, pouvoir tourner un film comme ça avec aussi des acteurs principaux marocains et le montrer ici à un public marocain, c'est la chose la plus importante parce qu'on considère ce film marocain. C'est un grand honneur. Votre long-métrage aborde le sujet de jeunes qui intègrent les camps de Daech. Quelle est votre valeur ajoutée quant à ce traitement ? Bilal Fallah : Pour nous, c'était une histoire très personnelle parce que c'est arrivé près de chez nous. Je connais des gens qui sont partis, des voisins, des amis, des gens que j'aimais. Le fait de voir des gens qui sont les mêmes comme nous, en tant que Marocains musulmans de Belgique, qui sont partis en Syrie et qu'ils sont revenus, voire qu'ils ont fait un attentat c'était très «confrontationnel». En fait, il n'y a pas vraiment beaucoup de séries et films qui sont faits par des musulmans. C'est un point de vue qui était très important pour nous à raconter. Dans l'intrigue du film, la maman du rappeur chasse son fils de la maison qui finit par emprunter la voie «daechienne». Est-ce vraiment un bon mobile pour aller dans ce sens ? Adil El Arbi : Nous avons basé l'histoire sur les personnes qui sont parties au début mais qui ne l'ont pas fait pour radicalisme. Par exemple, ce qui se passe en Ukraine, certaines sont parties parce qu'une population se faisait massacrer. Donc, le personnage principal «Kamal» a un peu le profil des gens qui sont dans la criminalité, ont raté leur vie. Alors il se dit je vais faire une chose négative en allant en Syrie pour aider des gens parce qu'il veut faire du bien. Donc ce n'est pas encore dans le radicalisme, mais cela évolue plus tard. C'est cela qui a fait que beaucoup de jeunes sont partis là-bas, c'était des gens qui ont un casier judiciaire ou n'arrivaient pas à avoir un job normal en Belgique. Ils pensent devenir des héros. L'acteur principal a toujours une passion pour son art. Quel commentaire en faites-vous ? Adil El Arbi : Son identité c'est qu'il est un rappeur. Quand il ne rappe pas, il ne parle pas trop. Il est vraiment soi-même quand il est artiste. Qu'en est-il des lieux de tournage. Est-ce que cela s'est déroulé au Maroc ? Adil El Arbi : Nous avions planifié de filmer dans le Royaume, mais à cause de la Covid-19, chose que nous comprenons bien sûr, nous devions changer pour tourner en Jordanie. Et si nous parlions du casting ? Pourquoi en avoir choisi différentes nationalités outre celle marocaine ? Adil El Arbi : En fait, la plupart ont des origines marocaines. C'est le cas de Lubna Azabal qui est marocaine de Bruxelles et l'une des meilleures actrices du monde. Cela tombe bien. Il y a Aboubakr Bensaihi qui est de Molenbeek. Il y a aussi mon petit frère Amir qui est marocain de Bruxelles. C'est l'authenticité qui est importante. Une fois en Syrie, le conflit est un mélange de toutes les cultures. C'est pour cela que nous avons des Arabes de Jordanie, des Africains aussi. A vrai dire, le film est trop long. Qu'est-ce que vous en pensez ? Bilal Fallah et Adil El Arbi : Nous comprenons. La première version du film durait 4 heures (rires). Avec toutes les images que nous avons, on peut faire des séries de films de 4 à 5 épisodes. Le conflit est tellement long et complexe. Après nous sommes arrivés à 3 heures, puis nous sommes arrivés à 2h45, puis 2h40. A Cannes, ils nous ont dit, c'est bien mais il est long. Nous avons même coupé 2 à 3 minutes. Après nous sommes arrivés à 2h30 ensuite 2h15. Et c'est la première fois que nous montrons le film à un public. Nous n'avons pas encore eu l'occasion donc c'est intéressant d'avoir des retours. C'était difficile d'aller de 4 h à 2h15. Mais c'est une grande histoire complexe que nous essayons de raconter. Et est-ce que cette longueur a fait que le budget soit énorme ? Adil El Arbi : C'est douze fois moins qu'un film hollywoodien, qu'un «Bad Boys». Pour un budget belge, c'est peut-être beaucoup mais dans le monde du cinéma, ce n'est pas énorme. Du côté belge, c'est 8 millions d'euros. Mais une comédie française coûte 12 millions d'euros. Mais nous, nous sommes moins que cela. Quelle serait la valeur ajoutée de «Rebel» pour votre carrière internationale ? Bilal Fallah : Pour nous, faire un film à Hollywood il y a déjà le budget, le matériel et une grande équipe. Nous pouvons faire de grands blockbusters, mais en même temps on ne peut pas prendre de risques mais avec «Rebel», on peut faire des choix artistiques. Cette production est vraiment une tragédie musicale qui parle d'une histoire très importante. Je crois qu'un film comme ça c'est très difficile de le faire à Hollywood mais il est possible de le faire en Europe avec un petit budget. Le plus important c'est qu'il sort au Maroc. Auriez-vous des projets ? Bilal Fallah et Adil Al Arbi : Nous ne savons pas encore. Nous attendons. Nous avons une petite pause. Nous souhaitons que le film soit vu et nous nous focalisons sur cela.