La Tunisie a réussi son pari d'organiser le Sommet mondial sur la société de l'information. Cependant, cette grand-messe onusienne a été l'occasion de rappeler aux autorités du pays hôte le besoin de respecter les droits de l'Homme. Le président tunisien, Zine El Abidine Ben Ali, a qualifié le Sommet mondial sur la société de l'information (SMSI) qui a rassemblé plus de 18.000 participants durant trois jours à Tunis, de "sommet des solutions". Les participants ont déclaré lors de la cérémonie de clôture qu'en dépit des réticences des nations développées à contribuer à un fonds de soutien destiné aux Etats africains, a permis de réduire le fossé numérique entre pays riches et pays pauvres. Durant les trois jours du sommet, quelque 200 accords visant à donner accès à la technologie aux pays en voie de développement ont été conclus, selon les organisateurs. Des alliances aux termes financiers flous ont été nouées et des contacts informels pris et, plus concrètement des entreprises, comme Microsoft, se sont engagées à verser plusieurs millions de dollars. Des ingénieurs ont présenté des appareils, notamment un terminal de courrier électronique fonctionnant à l'énergie solaire, pouvant être fabriqués et distribués dans des régions sous-développées. Cependant, les pays riches sont restés réticents à alimenter le Fonds de solidarité numérique soutenu par les Nations unies. Selon les responsables de l'Union internationale des télécommunications (UIT), agence spécialisée de l'Onu, il n'a recueilli que 7 à 8 millions d'euros. Les pays riches ont préféré contribuer via des programmes de développement comme ceux de la Banque mondiale. Alors que 14% de la population mondiale disposent aujourd'hui d'une connexion Internet, l'UIT espère que la moitié des six milliards d'habitants de la planète auront accès au web en 2015. L'une des polémiques qui ont marqué ce sommet, le contrôle de la gestion des noms de domaines sur Internet, actuellement exercé par les Etats-Unis via l'ICANN (Internet Corporation for Assigned Names and Numbers), association à but non lucratif californienne. Même si l'accord signé mercredi en marge du sommet donne naissance à un forum qui permettra aux pays opposés à la suprématie américaine, comme le Brésil ou l'Iran, de continuer à faire de la "gouvernance d'Internet" un sujet d'actualité, il ne fait que valider le statu quo. Les travaux du SMSI, jusqu'alors consacrés seulement aux aspects technologiques de la communication, ont aussi été marqués par la circulation de l'information comme enjeu politique global. Les Etats membres ont ainsi adopté un "Engagement de Tunis", qui se réfère à la Déclaration universelle des droits de l'Homme, pour souligner la nécessité de respecter la liberté d'expression. Le choix de la Tunisie avait été critiqué par des opposants et des organisations de défense des droits de l'Homme qui accusent ce pays de restreindre cette liberté. Pourtant proches alliés de la Tunisie, les Etats-Unis ont exprimé vendredi leur "déception de voir que le gouvernement tunisien n'a pas tiré profit de cette importante manifestation pour démontrer son engagement pour la liberté d'expression et de réunion". Le même jour, Robert Ménard, le dirigeant de l'organisation française Reporters sans frontières qui accuse les autorités tunisiennes de réprimer des internautes, avait été refoulé à l'aéroport de Tunis. Quelques jours avant l'ouverture du sommet, l'agression d'un journaliste du quotidien français «Libération» venu enquêter à Tunis sur les droits de l'Homme avait suscité de vives critiques en France.