Des «avions prisons» de la CIA auraient fait escale en Espagne. Une affaire qui a suscité une vive polémique. Le gouvernement ibérique a annoncé récemment l'ouverture d'une enquête judiciaire. Une affaire révélée récemment par le quotidien local «Diario de Mallorca», concernant des «avions prisons» de la CIA qui auraient fait des escales dans l'archipel des Baléares, a suscité une grande polémique en Espagne. Une polémique qui risque d'affecter les relations américano-espagnoles. S'ils venaient à être confirmés, «il s'agirait de faits gravissimes et intolérables» qui pourraient affecter «le niveau de relations entre les deux gouvernements», a déclaré le ministre espagnol de l'Intérieur, José Antonio Alonso. Le ministre a, en effet, annoncé mardi dernier que ses services allaient enquêter sur les supposées escales secrètes d'avions de la CIA en vue de tirer cette affaire au clair. «Quand on dénonce une irrégularité, on enquête et c'est ce qu'ont fait les forces de sécurité de l'Etat, la garde civile et ensuite l'enquête passe dans le domaine judiciaire. Elle est à présent entre les mains d'un juge et nous verrons quelles sont les conclusions du juge», a déclaré M.Alonso à la chaîne privée Telecinco. Le porte-parole de l'ambassade des Etats-Unis à Madrid n'a souhaité faire aucun commentaire sur un sujet "aussi sensible". Les propos du ministre de l'Intérieur, José Antonio Alonso, semblent résonner comme une menace. Toutefois, le ministre de la Défense José Bono, en utilisant un ton plus modéré, a tenté de tempérer les propos de son collègue en déclarant qu'il serait un peu trop tôt pour parler de l'implication des Etats-Unis tant qu'il n'y a pas eu d'enquête. «Je ne suis pas en mesure de mettre sur la sellette les Etats-Unis, un pays ami et allié, sur de simples suppositions à propos desquelles nous n'avons pas la moindre preuve, ni le moindre indice», a-t-il affirmé. Dans son édition du mardi, le quotidien espagnol ABC a estimé que «la nouvelle de l'Espagne utilisée comme escale par la CIA dans ses activités de transports de personnes supposées de terrorisme risque de gâcher les efforts du gouvernement Zapatero à renouer les relations quasi inexistantes avec les Etats-unis depuis le retrait des troupes espagnoles d'Irak». L'affaire remonte à mars dernier. L'avocat de Majorque Ignasi Ribas avait à l'époque déposé une plainte au TSJB pour «détention illégale, enlèvement et tortures» ayant un lien avec les escales secrètes des avions américains à l'aéroport de Palma, aux Baléares. Selon le Diario de Mallorca, les suspects kidnappés par la CIA étaient transférés vers des lieux de détention secrets. L'un de ces avions aurait notamment servi à transporter le citoyen allemand Khaled al-Masri vers une prison de Kaboul, en Afghanistan, sans aucun contrôle judiciaire. Idem pour l'Egyptien Mustapha Ossama Nasr, alias Abou Omar, enlevé à Milan en 2003. Selon El Pais, le rapport de la garde civile comporte l'identité des occupants, dotés du "statut diplomatique" de vols "privés" ayant atterri aux Baléares. Le journal a même publié l'immatriculation des appareils. La première escale a été effectuée par un Boeing 747 en provenance d'Alger. Le lendemain, l'avion avait re-décollé de Palma de Majorque vers la Macédoine où il aurait chargé le ressortissant allemand Khaled el Masri "pour le transporter vers une prison de Kaboul sans aucun contrôle judiciaire". Les appareils de la CIA auraient également fait escale dans l'archipel des Canaries, selon la coalition écolo-communiste espagnole Izquierda Unida (IU), qui a sollicité la comparution au parlement du ministre de l'Intérieur et du chef du CNI. L'usage des «avions prisons» permet à la CIA d'échapper à toute juridiction. Rappelons, en ce sens, que le vice-président américain Dick Cheney avait demandé aux députés américains de revoir une loi interdisant la torture afin que la CIA puisse en faire usage légalement.