Les pluies tombent, mais évitent les zones où il y a des barrages. Cette explication des services de la météo illustre un tas de paradoxes. Il pleut plus à Laâyoune qu'à Béni-Mellal. Les barrages sont à moitié vides. Et l'agriculture s'en ressent. En ce début de la campagne agricole 2005-2006, le niveau de remplissage des barrages accuse beaucoup de retard. Seulement 41% au 7 novembre 2005 d'après le secrétariat d'Etat chargé de l'Eau. L'année dernière, à la même période, ce taux était de 55%. Témoin de ce déficit, le grand barrage d'Al Massira, dans la région de la Chaouia avec une capacité de 2 744 m3. Cet ouvrage inauguré au début des années 80 affiche aujourd'hui un taux de remplissage d'à peine 20%, en retard de 7,5 points par rapport à l'année 2004. Et ce n'est pas tout. Sur le même Oued Oum Rabiï, le barrage Ahmed El Hansali affiche un taux de remplissage de 27% contre 54% en 2004, alors que Sidi Said Maâchou peine à dépasser 2% de remplissage pour une capacité normale de 404 millions de m3. Au centre, vers Sidi Kacem, le barrage El Wahda, inauguré au milieu des années 90 par Feu SM Hassan II est à 55% contre 67,5% une année plus tôt. Le barrage Bin El Ouidane, sur le Oued El Abid, dans la province d'Azilal est rempli à 50% contre 64% en novembre 2004. Idem sur le Oued Sebou où le barrage Idriss Premier est à 51% contre 74% dans la précédente campagne. Le stock disponible en eau pour le Maroc est de 2, 215 milliards de m3. «Un taux faible, certes, mais le Maroc en a vu pire», rappelle-t-on au Secrétariat d'Etat chargé de l'eau où l'on ne veut visiblement pas dramatiser. Il s'agit d'une situation d'autant plus inquiétante que l'eau provenant des barrages sert en outre à l'alimentation des villes.. «Aucune pénurie n'est à craindre à ce niveau» rappelle-t-on. Par contre, l'eau destinée à l'activité agricole risque de se faire rare. Exceptés les grands périmètres irrigués du Gharb et du Loukous lesquels, a priori, ne devraient connaître aucune pénurie, la plupart des zones de culture industrielle devront compter avec la clémence du ciel. Selon les prévisions, pour la campagne 2005-2006, le déficit pourrait atteindre 47% au périmètre Béni Moussa (dans les environs de Béni-Mellal) à 96% dans le Taffilalet. Ici, le barrage Hassan Dakhil, n'est pas loin de se tarir avec un niveau record de 8,7% de taux de remplissage contre 24% en 2004. Contactée, la Direction nationale de la météorologie relativise : «les pluies sont tombées là où il n'y a pas de barrages». Une situation exceptionnelle avec par exemple à Dakhla un niveau de précipitations en surplus de 206% par rapport à une année normale. Pendant ce temps, Béni-Mellal est au régime sec. Dans la région du Souss, les capteurs de la météo confirment aussi ce paradoxe. Ainsi, au lieu de la moyenne des 23 mm à Agadir-Inezghane, le compteur est à 31,6 mm, un excédent de 37%. Idem à Agadir-Massira où on est à 152% (42,8mm) au dessus du niveau normal de 17mm. La situation est analogue pour l'Oriental et tout le long du littoral de la Méditerranée. A Al Hoceïma par exemple, le niveau de précipitations a atteint 68mm contre une moyenne de 36,3mm. Tout près, à Chefchaouen, le compteur affiche 113,2 mm contre un niveau normal de 98mm. Même excédent à Tanger, avec 102mm au lieu des 93mm habituels. Cette situation paradoxale s'explique, selon les services de la météo par l'absence de précipitations classiques, qui prennent normalement naissance dans l'Atlantique avec une direction Ouest-Est. «Le Maroc a jusqu'ici hérité cette année des queues de froid avec des marges de perturbations qui ont eu pour centre l'Europe». Ce phénomène explique les retards de précipitations accusés par les régions du centre. Les plaines océaniques, le Gharb, la Chaouia sont déficitaires. Le déficit atteint des proportions parfois inquiétantes comme à El Jadida (85%). Dans cette région, au lieu des 46 mm habituels, le pluviomètre cale toujours à 6 mm. La situation ne risque pas de changer d'ici la semaine prochaine puisque les services concernés n'enregistrent pas de signes particuliers de naissance de perturbations classiques. Ce ne sera pas la fonte des neiges qui va à elle seule remplir les barrages.