Lors du colloque sur les arts plastiques au Maroc qui a eu lieu samedi dernier à la cathédrale du Sacré-Cœur à Casablanca, le critique d'art Farid Zahi a développé sa thèse sur le retour de la figuration dans la peinture marocaine. Entretien. ALM : Dans votre intervention lors du colloque sur les arts plastiques au Maroc de samedi dernier, vous avez déclaré qu'il y a à présent un regain de la figuration dans la peinture contemporaine au Maroc. Qu'est-ce qui a motivé cette réflexion ? Farid Zahi : En tant que critique d'art, je me suis rendu compte qu'il fallait se pencher sur de grandes questions. Parmi ces questions figure le pourquoi du retour de la figuration chez les peintres abstraits. J'ai donc suivi une démarche méthodologique. Je me suis reposé sur les travaux des artistes-peintres des années 80. Lorsque j'ai observé certaines œuvres, je me suis rendu compte qu'il y avait un certain glissement vers la figuralité dans le travail abstrait. Je parle ici du groupe de Melehi, Belkahia et Kacimi. Cette figuralité se manifestait tantôt par des formes symboliques et tantôt par des formes significatives. Aussi, je ne parle pas des peintres qui ont choisi la figuration comme démarche plastique. Je me suis surtout intéressé à ceux qui se sont toujours impliqués dans l'abstraction et qui se sont retrouvés à un moment donné à introduire des formes figuratives parfois très allusives dans leurs travaux. Je peux donner l'exemple de Bouchta El Hayani. Sa dernière exposition est très significative et donne des éléments de réponse à mon questionnement. Dans les derniers travaux de Hayani, on remarque l'introduction de corps humains. C'est purement figuratif. Sur quels critères vous êtes-vous basé pour développer votre thèse? Ma recherche s'est basée sur les travaux de certains peintres figuratifs dès les années 80. C'est à partir de cette période que le glissement vers la figuralité s'est opéré. Les critères sur lesquels je me suis basé sont purement d'observation. C'est après avoir longuement étudié les œuvres de ces peintres dont je parle que j'ai pu formuler ma réflexion. Une réflexion qui avait commencé à mûrir depuis quelques années déjà. Mais étant donné que je n'étais pas sûr de sa valeur, j'ai laissé passer un peu de temps pour vérifier cette thèse. Avez- vous discuté avec les peintres que vous avez inclus dans votre recherche pour avoir leur avis là-dessus ? Non, je ne suis pas allé discuter avec qui que ce soit. En fait, je n'ai pas besoin de me justifier auprès des peintres. Je considère que je fais mon travail de critique d'art et que j'ai dépassé le stade où on a besoin de savoir si cette thèse est vraie ou fausse. Je ne suis pas dans le faux ou le non-faux, je suis dans la réflexion. Qu'est-ce qui a poussé, selon vous, ces peintres à adopter une technique figurative dans leur démarche abstraite ? En fait, j'explique ce regain de deux façons. Je pense qu'il y a aujourd'hui un mûrissement dans la peinture contemporaine. Les artistes-peintres se sont rendu compte qu'il n'est plus nécessaire de faire une dichotomie entre la figuration et l'abstraction. Par ailleurs, il y a également l'aspect de la crise d'imagination qu'on remarque dans le domaine de l'art plastique au Maroc. Cette crise pourrait en quelque sorte expliquer ce regain de l'expression figurative. N'avez-vous pas peur de vous attirer les foudres des peintres abstraits tout en sachant que certains d'entre eux sont les pionniers de la peinture contemporaine ? Non, pas du tout, je n'ai pas peur. Comme je l'ai déclaré plus haut, je n'ai pas besoin de me justifier. Ils ne sont pas non plus obligés d'adhérer à ma thèse.