L'entrée effective de l'Assurance-maladie obligatoire (AMO) fait face à ses premiers dysfonctionnements. La stratégie d'apprentissage prônée par le gouvernement a relégué au second plan une communication aussi primordiale que pédagogique. L'Assurance-maladie obligatoire est, désormais, une réalité. Les premiers prélèvements pour son financement sont attendus pour ce mois de septembre. Toutefois, fidèles à leurs habitudes, les premiers intéressés, les patrons d'entreprises en tête, ont attendu la dernière minute pour se renseigner et mettre en pratique les modalités nécessaires. « Nous avons enregistré un rush conséquent ces derniers jours. Les chefs d'entreprises ont été pris de court. Les modalités des premiers prélèvements ne sont pas connues de tous. Malgré notre forte mobilisation, notre effort n'a pas eu de répondant en temps et en heure», estime Hamad Kassal, président de la Fédération des PME/PMI. En effet, la fédération a consenti un effort important afin de vulgariser le concept. L'expert en droit social ainsi que celui en assurance auprès de la fédération ont été mobilisés. Malheureusement, les réactions furent limitées. Une fois l'entrée en application devenue effective, via les prélèvements nécessaires, les membres de la fédération ont été pris d'assaut. Les questions posées portent sur des détails propres à chacune des activités. À titre d'exemple, les opérateurs économiques se posent la question de savoir, en parallèle de l'assurance privée, l'AMO est-elle automatiquement applicable aux autres membres non couverts par lesdites assurances ? Ou encore, les saisonniers seront-ils couverts toute l'année ? L'ensemble de ces questions trouve assurément réponses. Par contre, un effort particulier de la part du gouvernement est plus que nécessaire. Il y va de l'efficacité de l'utilisation. Il semblerait que le gouvernement préfère attendre les 6 premiers mois avant de monter au créneau. La période d'apprentissage et de mise en route du système sera mise à profit pour surmonter l'ensemble des problèmes qui risquent de se poser. Toutefois, selon certains entrepreneurs sondés, le bon sens voudrait que la communication soit un axe principal. « On communique bien sur le plus petit événement, de la Semaine du cheval aux Assises de l'emploi, mais face à un chantier de première importance, une réaction des autorités de tutelle, la CNSS en tête, s'impose. Il y va de l'efficacité d'utilisation de l'ensemble », tient à préciser l'un d'eux. Dans l'ensemble, le Maroc est peut-être un des rares pays qui ont essayé, à l'avance, de savoir où ils allaient avant de décréter l'obligation de l'Assurance-maladie, en conduisant leurs études de coûts et d'impact sur le plan économique et financier. « Pour autant que ces études puissent vraiment refléter la réalité future et l'évolution des dépenses de santé, elles s'avéraient cependant nécessaires devant la montée des appréhensions, d'année en année, autour du coût du projet pour l'économie du pays », estimait Alami Greft Abdeljalil, Expert en Assurance-maladie obligatoire, lors d'une conférence. L'ex-patron de la CNSS estimait en plus qu'une réforme de cette envergure supposait l'émergence de nouveaux acteurs et l'adaptation des anciens acteurs du système. Elle impliquait une redéfinition du rôle de l'Etat dans l'orientation générale de la politique de santé et dans la régulation du système de santé. Elle mettait en confrontation des intérêts et des logiques contradictoires, à charge pour l'Etat d'assumer les arbitrages nécessaires. Elle devait faire face, enfin, à une exigence de redistribution des rôles et des responsabilités des différents partenaires publics et privés. Le projet a suscité de très grands espoirs pour les catégories de la population non assurées. Comme il a suscité de grandes craintes pour les catégories déjà assurées qui redoutaient un retour en arrière sur leurs acquis. Des craintes d'une autre nature s'exprimaient du côté des décideurs politiques et économiques sur le coût financier d'une telle réforme. « Des espoirs mais aussi des appréhensions se manifestaient du côté des professionnels de la santé à propos du mode de formation de leurs revenus futurs et du mode de relation avec les assureurs », tenait à mentionner Greft Abdeljalil Alami.