La wilaya de Rabat affirme avoir renouvelé les contrats des sociétés privées, sans en aviser les principaux concernés : les conseils élus. Dès le 22 août, les sociétés privées du transport urbain de l'agglomération de Rabat ont l'intention d'augmenter le prix du ticket du bus de 50 centimes, passant ainsi de 3 DH à 3,50 DH. En valeur absolue, cette décision est tout à fait justifiée. La hausse du prix du gasoil en est certainement pour beaucoup. Toutefois, cette décision, dont va souffrir une énorme frange de la population de la capitale, remet sur le tapis la situation désastreuse que connaît le secteur du transport urbain dans les villes de Rabat, Salé et Témara. Les maux que connaît ce secteur sont nombreux. Le plus grave est que les instances élues des villes concernées n'ont aucune emprise sur ce service public. La Charte communale, votée par le Parlement et respectée, plus ou moins scrupuleusement, par toutes les villes du pays, n'a manifestement aucune valeur dans la capitale du Royaume. Contrairement aux dispositions de cette loi, considérée comme la bible des élus, c'est la direction des régies du ministère de l'Intérieur et la wilaya de Rabat qui décident du sort du transport urbain dans la capitale. Rabat est la mieux desservie de toutes les autres communes. Elle est donc la plus concernée par ce dossier. Et pourtant, à la municipalité, on assure que les contrats qui liaient les entreprises privées de transport urbain à l'ancienne communauté urbaine ont expiré depuis longtemps. En d'autres termes, la municipalité ne contrôle plus aucune société de transport urbain. Et même les redevances que les opérateurs privés doivent verser aux différentes communes n'apparaissent nullement dans les budgets des conseils des villes. En apparence, donc, les sociétés d'autobus agissent en toute illégalité, sans cadre juridique définissant leurs droits et leurs devoirs et surtout sans aucun contrôle de la part des autorités de la ville qu'elles soient élues ou pas. Rien d'étonnant donc si la quasi-totalité des bus r'batis sont dans un état lamentable. De véritables carcasses ambulantes, des dangers publics pour l'environnement et pour la sécurité des usagers. Après la déconfiture de la régie, ces derniers n'ont d'autres choix que d'emprunter les bus privés. Justement, en parlant de régie, soulignons que son sort, incertain lui-aussi, a fait l'objet d'une réunion, mardi dernier, d'une commission du conseil de la ville de Rabat. Lors de cette rencontre à huis clos, certains élus en ont profité pour soulever la question des sociétés privées. Un responsable de la wilaya, présent à cette réunion, leur a assuré que les contrats de ces entreprises de transport urbain ont été renouvelés. Par qui ? Pourquoi ? Ils ne le sauront jamais. Contactés par ALM, des élus qui ont assisté à cette réunion ont exprimé leur forte indignation. "Si ces contrats ont été effectivement renouvelés, cela signifie que les attributions des organes élus ont, encore une fois, été violées", souligne un élu de la majorité. Pour ce qui est de la régie, le bout du tunnel est loin d'être visible. Le conseil de la ville de Rabat souhaite liquider la régie de transport et concéder le service à un opérateur unique. D'ailleurs, la situation d'anarchie actuelle semble arranger les élus qui se considèrent ainsi beaucoup plus "libres". Mais le ministère de l'Intérieur, lui, ne voit pas les choses de cette manière. Il veut maintenir la concurrence, en évitant la liquidation de la régie, lui préférant une simple restructuration. En attendant que ce bras de fer finisse, les élus de Rabat ont admis, mardi dernier, de débloquer l'enveloppe prévue expressément pour la dissolution de la régie. "Nous allons leur verser les dix millions DH en précisant que leur affectation doit être la dissolution de la régie, et qu'ils fassent ce qu'ils veulent", lance un élu désabusé.