«La société domestique, tout comme la société religieuse, est un puissant préservatif contre le suicide. Cette préservation est même d'autant plus complète que la famille est plus dense, c'est-à-dire comprend un plus grand nombre d'éléments (...) La cause productrice du phénomène échappe nécessairement à qui n'observe que des individus ; car elle est en dehors des individus. Pour la découvrir, il faut s'élever au-dessus des suicides particuliers et apercevoir ce qui fait leur unité» Emile Durkheim Le suicide. Nous y sommes. Un mot qui claque le trépas d'une ville marocaine souvent coqueluche des magazines de mode. Que se passe-t-il ? Pourquoi la ville de Chefchaouen sonne-t-elle son glas ? Le suicide a souvent été sujet de discorde entre sociologues et psychiatres. Pourtant aujourd'hui les deux se rejoignent. Durkheim n'a jamais été plus contemporain et signe la question du suicide : pathologie sociale ou individuelle ? Quel trait d'union? Une ville qui s'insurge contre un phénomène qui prend de l'ampleur. Les articles fusent entre l'implication du cannabis dans les décompensations psychiatriques, et l'issue fatale du passage à l'acte; et une campagne virtuelle contre le suicide démarre à Chefchaouen. La peur de la mort impliquerait-elle d'aller à ses devants ? La question du libre arbitre se pose mais la consonance philosophique séduit certes, sauf que mon propos sera biologique ou plutôt bio-psycho-social. Pragmatique. La substance reine consommée par les autochtones ou recherchée par les touristes ne peut être mise de côté quand on voit la courbe ascendante des passages à l'acte suicidaire. Par ailleurs, quatorze mois de Covid et de difficultés respiratoires économiques et sociales n'arrangent guère les choses. Ajoutez un grain de fragilité génétique, des facteurs de prédisposition, une histoire et un environnement sans réels éléments de protection avec un nuage de fumée amotivationnelle et hallucinogène et embarquez-vous dans la persécution, la paranoïa, les affects dépressifs, l'absence d'autonomie et de projet de vie. Mais encore, à souligner encore une fois au risque de se répéter ou qui sait obtenir un impact par la technique du disque rayé, le cannabis a un lien scientifique prouvé avec la genèse de la maladie mentale comme la schizophrénie ou le trouble bipolaire. Or, la maladie mentale est pourvoyeuse de suicide. Le lien est vite fait. Mais alors, devant le projet de loi concernant la dépénalisation du cannabis à des fins industrielles et médicales, serait-il possible pour nos représentants de penser structurer la consommation récréative qui devient «suicidaire» et protéger par des lois claires la jeunesse par un âge légal de possibilité de consommation. Car, messieurs-dames, la consommation existe, elle impacte les cerveaux de nos jeunes et fait entrer dans la maladie mentale les moins chanceux. Comment faire pour une prise de conscience collective ? Chefchaouen vocifère sa réalité aux croisements du cannabis, du mal-être social et de la décompensation psychiatrique. Mais qui l'écoute? Certains pays ont déjà mis en place un plan santé mentale avec la crise Covid qui en bon élément de fragilité économique et sociale connote la faille psychiatrique et ses conséquences. Mais alors, bien qu'ayant excellemment géré la crise, pense-t-on à notre santé mentale ? Et surtout, sommes-nous sensibilisés à prévenir les maux psychologiques et psychiatriques car avec une population anxieuse, obsessionnelle, phobique, insomniaque ou dépressive pour les mieux nantis la relance sera difficile. Autant donner une monture à un cul-de jatte. Encore mieux, avec consommation de drogues, de smartphones et de réseaux asociaux, la persécution, le retrait social, la paranoïa, l'agressivité, et la violence sous ses différentes formes fusent et nous rappellent à notre condition d'humain. Les limites. Les limites et le cadre. Le cadre est la sécurité. La sécurité est la levée de l'angoisse. Or, la sécurité n'est pas la morale admise en politique autruchienne de mise. La sécurité correspond aux règles de vie commune dans un environnement sécure. Les règles impliquent la mesure. Or, la démesure est le tempo de la modernité. Nous sommes tous des culs-de-jatte chevauchant des chimères. Une fois la chimère évaporée, on n 'est meilleurs qu'à mourir. Des Gisors masqués de plus en plus jeunes blasés de tout. A quoi bon vivre quand on a tout ? Tout sans bouger d'un iota. Une bonne connexion et une bonne déconnexion. L'absurde connexion virtuelle couplée à la déconnexion du cannabis. Le constat est vite fait. Un enfant symptôme du système familial symboliquement malade. Aujourd'hui c'est Chefchaouen ! Et demain? L'unicité étant claire. Du moins à Chefchaouen.Un joint de plus s'il vous plaît ! (1) HO : hospitalisation d'office-terme d'utilisation administrative psychiatrique quand une hospitalisation en unité psychiatrique est de mise pour mettre à l'abri un patient constituant un danger pour lui-même ou pour les autres.