Après avoir fumé des joints, Saïd a demandé à son ami, Abdellah, s'il avait couché avec la fille qu'il aimait. Une question qui a bouleversé leur soirée et a fini par la mort de Saïd et 15 ans de réclusion criminelle pour Abdellah. Chambre criminelle près la Cour d'appel de Casablanca. La salle d'audience est archicomble au point qu'une partie de l'assistance est restée dehors. Il était plus de 15h00, en ce jour du mois de mai quand les policiers ont conduit cinq mis en cause à l'intérieur de la salle. Aussitôt, un brouhaha a commencé à y régner. Les mis en cause levaient les mains en direction des membres de leurs familles, parlaient à haute voix et leur adressaient des sourires. Les policiers qui veillaient sur la sécurité de la salle d'audience leur demandaient de s'asseoir et de se calmer. «La Cour va entrer», leur a dit l'un des policiers. Quelques secondes plus tard, une sonnette a tinté, tout le monde a repris sa place et le calme a régné dans la salle. Le président de la Cour est entré, suivi de ses quatre assesseurs, du représentant du ministère public et du greffier. L'assistance et les mis en cause se sont levés avant que le président ne leur demande de se rasseoir. En ouvrant le premier dossier, le président de la Cour a appelé Abdellah à la barre. Un jeune homme, la trentaine, moustachu, habillé en jean's s'est avancé vers la barre des accusés. Le président lui a rappelé son identité. Abdellah opinait de la tête. «Tu es accusé de coups et blessures ayant entraîné la mort sans l'intention de la donner. Parle-nous des circonstances qui ont conduit à ce crime», lui a demandé le président de la Cour. Abdellah a baissé la tête comme s'il essayait de se souvenir du jour de son crime. Le président lui a demandé de répondre. «La Cour ne peut pas se permettre de t'attendre, parce qu'elle a d'autres dossiers à débattre», a-t-il ajouté à son intention. Abdellah l'a fixé ensuite du regard et lui a répondu : «je n'avais pas l'intention de le tuer». Le président lui a rappelé que l'accusation mentionnée dans le procès-verbal du parquet général confirme qu'il n'avait l'intention que de maltraiter la victime et non pas de la tuer. Et Abdellah est passé aux aveux. Ce jeune qui a tourné le dos à l'école, après avoir échoué à deux reprises en dernière année du primaire, a travaillé, dans son quartier à Sidi Othman, avec un réparateur de vélomoteurs. Après six mois il a été embauché par un mécanicien. À son dix-septième printemps, Abdellah est devenu un professionnel bien rémunéré. En parallèle, il a commencé à fréquenter des jeunes qui fument du haschich. Au départ, il passait peu de temps avec eux pour bavarder et plaisanter. Il ne fumait que des cigarettes. Au fil des jours, il a commencé à se droguer en fumant des joints pour devenir enfin l'esclave de la drogue. Ses parents, ses frères et son patron ont déployé de gros efforts pour l'inciter à cesser de se droguer. Ils n'arrivaient pas à comprendre qu'un adolescent, comme lui, bien éduqué, calme, sans problèmes, jouissant d'une bonne réputation, puisse devenir un toxicomane. Mais en vain. Il ne pouvait plus se passer de fumer quotidiennement au moins deux joints. Toutefois, il n'aurait jamais pu se douter que cette mauvaise habitude serait un jour la cause de son malheur. Comment ? Il était en compagnie de deux amis dont l'un, Saïd, était également mécanicien. Ce dernier n'avait pas d'argent quand Abdellah lui a demandé de rester avec lui pour fumer quelques joints. Saïd a vite accepté. Abdellah a roulé le premier joint. Et les deux amis ont commencé à fumer. D'un joint à l'autre, Saïd s'est souvenu d'une fille qu'il aimait et qui avait eu une liaison avec Abdellah. «As-tu couché avec Samira ?», a-t-il demandé à Abdellah. Ce dernier ne lui a pas répondu. Saïd l'a interrogé une fois encore. Abdellah a continué à garder le mutisme et à tirer sur son joint. «Tu ne veux pas répondre ? Et puis, d'ailleurs, elle n'était qu'une prostituée», lui lance Saïd sur un ton nerveux. À ce moment, Abdellah s'est levé et lui a donné un coup de pied. Saïd s'est renversé et s'est relevé ensuite pour s'avancer vers Abdellah et lui a donné un coup de poing. Abdellah l'a poussé violemment, au point qu'il s'est renversé une fois encore. Seulement, cette fois, il a lancé un cri strident sans se relever. Il était gravement blessé à la tête. Aussitôt, Abdellah a alerté les éléments de la Protection civile qui ont avisé la police une fois arrivés sur les lieux. Abdellah a été arrêté. Le lendemain, Saïd a rendu l'âme aux urgences de l'hôpital. Prenant la parole, le représentant du ministère public a requis l'application de la loi. Pour sa part, l'avocat de la défense a réclamé lors de sa plaidoirie de faire bénéficier le mis en cause des circonstances atténuantes. Après délibérations, la Cour l'a condamné à 15 ans de réclusion criminelle.