A Casablanca, une histoire de beuverie et de filles de joie s'est mal terminée. L'un de ses protagonistes, Saïd, y a trouvé la mort. Il a été assassiné par son propre ami. «Je regrette de l'avoir tué. Je n'avais pas l'intention de le faire», affirme Abdellah devant les magistrats de la chambre criminelle près la Cour d'appel de Casablanca. Le timbre de sa voix trahissait sa sincérité, mais personne n'y fit attention. Surtout parmi l'assistance. Après tout, l'homme n'était rien d'autre qu'un criminel. Un simple criminel qu'un regret tardif semblait tarauder au point de le pousser à reconnaître son forfait. «Saïd était mon ami, M. le président…». Pourquoi l'a-t-il donc tué ? Selon le dossier de l'instruction, la victime, Saïd, et son frère Khaled étaient inséparables. Ils sortaient souvent ensemble, bien que le premier est l'aîné du second. Abandonnant l'école bien qu'ils n'aient pas terminé leur cursus primaire, ils se sont vite mis à fréquenter Derb Djaïjia en ancienne médina et Souk Lakriâ, à Derb Soltane, en quête d'argent facile. Sitôt gagné, ils le dépensèrent en boissons alcooliques ou pour avoir leur dose quotidienne de haschisch. Quand il leur en restait suffisamment, ils fréquentaient quelques filles de joie. Particulièrement Malika et Fatima avec lesquelles ils s'entendaient à merveille. Agées respectivement de dix-huit et vingt et un ans, ces dernières étaient partantes pour tout. Y compris pour les accompagner chez Abdellah. Agé de trente-quatre ans et célibataire, Abdellah occupait une chambre dans un appartement collectif. Saïd et Khaled lui rendaient souvent visite surtout quand ils étaient en agréable compagnie et qu'ils ne savaient pas où aller. Aussi, invitèrent-ils Malika et Fatima à la soirée qu'ils avaient projeté de passer chez Abdellah. Tout a été commencé très bien ; les verres de vin, les rasades de bière, le bavardage, les chants, la danse, l'amour et les rires à perdre la tête. Ce qui a fait perdre ses esprits à leur hôte. Coûte que coûte, l'un d'entre eux devait lui céder sa compagne. «Je ne me souviens pas, M. le président, de ce qui je faisais…J'ai demandé à Malika de coucher avec moi», déclare-t-il à la Cour. Hors de lui, son amant, Saïd, l'a poussé et Khaled s'est interposé pour les séparer. «Je les ai séparés, M. le président, pour reprendre notre soirée… j'ai cru avoir convaincu Abdellah de laisser tranquille la copine de mon frère…», témoigne Khaled qui a été poursuivi lui et les deux filles de joie pour débauche et ivresse. Mal lui en a pris. Tout d'un coup, Abdellah s'est mis debout et a commencé à injurier Saïd. Dépité, ce dernier lui a asséné un violent coup de poing ; ce qui a incité ce dernier à se saisir du couteau qui était sur la table. Puis ce fut le drame. Saïd s'est effondré sous le regard de son frère et des deux filles de joie. Alertée par les voisins, la police s'est rendue sur les lieux pour appréhender tout le monde. «Je regrette mon acte…», a répété pour la énième fois Abdellah devant la Cour. Un regret qui ne l'a pas sauvé d'une condamnation de 10 ans de réclusion criminelle pour coups et blessures ayant entraîné la mort sans l'intention de la donner. Quant à Khaled et les deux filles de joie, ils ont écopé, chacun, de trois mois avec sursis.