Pour Ahmed Hajjaji, président du directoire de la Sodea, la première phase de l'opération de cession des terres Sodea-Sogeta est un succès. Il met en exergue l'engouement marocain, la participation étrangère et les possibilités énormes de création d'emplois. Aujourd'hui Le Maroc : Quel bilan faites-vous de la première phase de la cession des terres Sodea-Sogeta ? Ahmed Hajjaji : Après l'annonce, nous avons lancé l'appel d'offres à partir du 25 octobre et nous avons accordé six mois pour les investisseurs pour se manifester. Durant cette phase-là, nous avons mené une campagne d'information au niveau national et international. Toutes les associations professionnelles, les Chambres d'agriculture, les Offices, les Centres régionaux d'investissement ont été touchés dans ce sens. Notre campagne d'information s'est également étendue à l'international vu que nous avons constaté un grand intérêt de la part des investisseurs français et espagnols. Durant la période des soumissions, l'engouement des Marocains pour les différents projets proposés a été très grand. Il faut dire que la méthode qui a été adoptée diffère de ce qui se faisait jusque-là en matière de location des terres agricoles puisque l'investissement a pris le dessus sur le loyer. Il ne suffit donc plus d'offrir le meilleur prix de location pour pouvoir exploiter des terres appartenant à l'Etat. D'autres critères entrent en jeu dont le projet d'investissement et donc de valorisation de ces terres. Quelles sont les filières qui ont rencontré le plus grand succès ? Deux filières en particulier ont attiré le plus grand nombre de soumissionnaires. La première est celle des agrumes qui a détenu à elle seule le tiers des soumissions, suivie par les rosacés et l'olivier. D'une manière générale, l'arboriculture a suscité de l'intérêt chez les investisseurs aux dépens des céréales et des fermes d'élevage. Ceci est très normal puisque ce sont les régions qui bénéficient des plus grands potentiels en eau qui ont été choisies le plus souvent. C'est le cas de la région de Larache, d'El Haouz, du Gharb et de Souss Massa Draa. L'Oriental n'a pas connu un grand engouement de la part des investisseurs et ce pour de nombreuses raisons. Il faudrait en effet faire la distinction entre deux régions. La première est celle de Berkane avec son périmètre irrigué qui a suscité beaucoup d'intérêt et la région d'Oujda qui n'est pas irriguée. Et c'est cette dernière qui a été boudée. En outre, l'offre consistait en une ferme de quelque 2000 hectares. Comment expliquez-vous la répartition des nationalités des investisseurs étrangers intéressés par les terres de Sodea-Sogeta ? Ceci obéit à la tendance générale de l'investissement dans notre pays. Les investisseurs français et espagnols arrivent en tête des étrangers qui ont choisi le Maroc pour fructifier leurs affaires. Je dirais que dans le cas des terres de la Sodea-Sogeta, le dosage est très bon. Au début de l'opération, des craintes se faisaient entendre quant à l'opportunité d'ouvrir la porte aux étrangers. Certains mêmes n'acceptaient pas du tout cette idée. La suite des événements les a rassurés. Avec 14 % de participation étrangère, le projet ne pourrait que mieux se porter. Et j'espère que ce même taux sera le même pour ce qui est des candidats choisis ce qui pourrait constituer une locomotive de coopération avec les professionnels marocains, surtout en matière d'industrie agroalimentaire, qui, signalons-le, était l'un des principaux objectifs de cette opération. Nous attendons à avoir des projets agro-industriels dans tout ce qui a trait au conditionnement des fruits et légumes et transformation des produits agricoles. Comment s'effectuera le choix définitif des candidats ? L'amateurisme n'a pas de place dans notre projet. Le premier critère est donc l'expérience et le professionnalisme des candidats et il est noté sur 15 points. Le deuxième critère important, noté sur 45 points, est le total des investissements. Le troisième a trait aux créations d'emplois que le projet va engendrer. Et c'est un critère noté sur 20 points puisque nous tablons beaucoup sur le développement du marché de l'emploi dans les régions de ces terres. Le quatrième critère, noté sur 20 points, se rapporte à la cohérence du projet et sa viabilité sur le plan financier et technique. D'ailleurs, les soumissionnaires savent sur quels critères leurs projets vont être notés. Pourquoi avoir mis à l'écart les lauréats des écoles et instituts vétérinaires et agronomiques dans cette opération ? Le problème s'est posé lors d'une précédente opération qui a été initiée au profit de cette catégorie leur réservant près de 8000 hectares. Jusqu'à maintenant, nous en avons distribué quelque 3500 hectares aux jeunes lauréats. Mais globalement, cette opération n'a pas eu tout le succès souhaité initialement pour la simple raison que ces jeunes n'avaient pas toujours les moyens matériels et financiers pour financer tous les équipements qu'il faut. Une erreur d'appréciation est souvent commise concernant le secteur agricole pensant qu'il ne nécessitait pas de lourds investissements. Ce n'est pas vrai. Ce secteur est aussi capitalistique que l'industrie. Ces jeunes-là l'ont appris à leurs dépens puisqu'on leur a fourni un grand moyen de production mais l'accompagnement financier n'a pas eu lieu. Pour ce qui est de l'opération de cession actuelle, elle bénéficie également à ces lauréats mais de manière indirecte puisque les investisseurs sont obligés de s'adosser sur des compétences techniques. Une manière d'associer le capital et la technicité. Qu'en est-il de la deuxième phase de cession des terres Sodea-Sogeta ? La deuxième phase concerne à peu près 40.000 hectares. Mais il faudrait d'abord attendre la fin de la première opération, faire son évaluation pour pouvoir se lancer dans la seconde phase. Ce serait probablement pour le début de la campagne agricole 2006-2007.