Le Premier ministre palestinien Ahmed Qoreï vient de demander que les mesures «unilatérales» évoquées la veille par Ariel Sharon pour relancer les négociations bilatérales soient «sérieuses» et «tangibles». Avec la navette dans la région du secrétaire d'Etat adjoint pour le Proche-Orient, Burns, l'arrivée prochaine de Colin Powell au Maghreb et l'ouverture américaine sur l'initiative de Genève, le processus de paix semble redémarrer, après une longue hibernation. "Nous espérons qu'il y aura des mesures sérieuses et tangibles, des mesures qui auront un impact positif sur le processus de paix et la situation en général et qu'il ne s'agira pas seulement de relations publiques", a affirmé M. Qoreï dans des déclarations à la presse. Les mesures tangibles que devrait prendre Israël, selon M. Qoreï, sont, en premier lieu, l'arrêt de la colonisation et de la construction du mur de la honte en Cisjordanie que les pacifistes dénoncent comme un "mur de l'apartheid". "Ils doivent, premièrement, stopper complètement la construction du mur et démolir tout centimètre de ce mur érigé sur la terre palestinienne", a-t-il déclaré. Le tracé controversé de cet ouvrage s'enfonce profondément en Cisjordanie créant une annexion de facto de secteurs du futur Etat Palestinien. "Ils doivent, deuxièmement, cesser toute activité de colonisation et démanteler les points de peuplement sauvage, comme stipulé par la Feuille de route (plan de paix international). Nous n'accepterons pas que Jérusalem soit isolée de ses environs arabes et palestiniens", a-t-il ajouté. Le mur légitimement de la honte doit englober le secteur oriental annexé de Jérusalem dont les Palestiniens veulent faire leur capitale. Pendant ce temps, les Etats-Unis estiment que « l'initiative de Genève » pour la paix au Proche-Orient constitue un effort louable de dialogue entre Israéliens et Palestiniens, mais ne veulent pas pour autant s'engager sur cette plate-forme informelle. L'Administration Bush souhaite avant tout réaffirmer son intérêt pour tout ce qui peut rapprocher les positions, dont cette initiative qui sera lancée le premier décembre à Genève. Le principal commentaire officiel est venu du secrétaire d'Etat Colin Powell, en réponse à un courrier des initiateurs du projet, les anciens ministres israélien Yossi Beilin et palestinien Yasser Abd Rabbo. M. Powell a exprimé sa satisfaction et son adhésion aux « efforts pour promouvoir une atmosphère d'espoir »,irritant du coup Ariel Sharon et les colons israéliens. L'initiative de Genève reprend une approche minutieuse qui rappelle celle qui prévalait du temps du président Bill Clinton. La « Feuille de route », élaborée depuis Washington avec l'Union européenne, la Russie et l'ONU, met, elle, l'accent sur une approche par grandes phases devant mener à un État palestinien souverain fin 2005, laissant aux deux camps le soin d'en négocier les modalités pratiques. L'Administration Bush tente actuellement de ranimer cette « feuille de route » moribonde à cause de l'expansionnisme de Sharon et des ultra-israéliens. Sur le front israélien justement, Sharon a présidé une réunion houleuse à huis clos des élus du Likoud, son parti, suite aux mesures "unilatérales" qu'il a évoquées et qu'il n'a pas démenties face aux attaques de son aile droite, a rapporté la télévision publique. Sharon s'est refusé à confirmer ou à démentir si ces mesures concernaient, comme on le lui a prêté, le démantèlement de colonies isolées dans la bande de Gaza et en Cisjordanie, a indiqué la radio publique. Il a toutefois souligné qu'il n'avait pris encore aucune décision tout en assurant le cabinet qu'il serait consulté à l'avance, selon un communiqué de la présidence du Conseil. En outre, selon une source proche de la présidence du Conseil, le Premier ministre n'a pas écarté la possibilité que le cabinet procède à un "réexamen" du tracé de la ligne de séparation qu'Israël érige actuellement en Cisjordanie. Mais dans ce cas non plus, il ne s'est pas engagé à modifier un tracé qui a valu à Israël un concert de critiques internationales, y compris de la part des Etats-Unis. Le chef de l'opposition travailliste, Shimon Peres, a, pour sa part, déclaré qu'il ne croyait pas en un changement de politique d'Ariel Sharon. Ces développements surviennent dans le contexte d'une prochaine rencontre Sharon-Qoreï qui, selon le chef de la diplomatie israélienne Sylvan Shalom, est envisagée pour la semaine prochaine.