Ils sont nombreux, ils se comptent par dizaines de milliers à travers le monde… La pandémie les a tous unis autour de l'inquiétude pour ceux qui sont restés au pays. Ils nous décrivent l'ambiance du pays hôte, les mesures appliquées pour se protéger. Ils nous racontent ce qu'est devenu leur quotidien quand, pour certains, leur activité a cessé du jour au lendemain. Tous ont eu une seule voix : celle de dire aux Marocains du Maroc de rester confinés, chez eux, pour qu'ils aient la chance de revoir leur famille en parfaite santé après la levée des barrières de protection, mises en place par chaque pays… Ils résident soit en France, en Belgique, au Royaume-Uni, aux Pays-Bas, aux Iles Baléares (Espagne), en Turquie ou au Canada. Le récit de Taoufik Hossain Kharchafi, Fettouma Lotfi, Ali Jiar, Radouan Bachiri, Jamal Ryane, Ahmed Benbouzid, Abderrahim Oudrassi… Taoufik Hossain Kharchafi réside à Warrington au Royaume-Uni. Il est pharmacien. Après avoir endossé la responsabilité de manager dans une société pharmaceutique, pendant 13 ans, il a décidé, depuis deux ans, de se libérer des responsabilités pour créer sa propre société et proposer ses compétences en freelance en officine. Aujourd'hui, avec le rush induit par la pandémie, le voici bien sollicité ! Ses nombreux projets ont été mis en stand-by en attendant la fin de la crise sanitaire. Sa vie a changé. Celles des Britanniques aussi. «Les Anglais aiment sortir, manger dans les restaurants, se rendre dans les discothèques. Aujourd'hui, tout est fermé et ils ont même peur de se faire livrer la nourriture craignant qu'elle soit contaminée. Face à cela, le gouvernement ne cesse d'envoyer des messages pour rassurer et sensibiliser les populations quant aux mesures de protection. La barrière à un mètre entre deux individus a été ramenée à deux mètres. Des indications au sol le mentionnent. Le port de masque est devenu obligatoire…». Taoufik nous décrit l'ambiance d'une vie british loin de Londres mais qui ne se différencie pas dans ses nouvelles habitudes. Lui, un fan de yoga pour en avoir fait son choix de vie, trouvera le bon endroit pour le pratiquer loin des personnes puisque les classes de yoga ont fermé depuis le confinement déclaré. Faire 10.000 pas par jour c'est sa règle d'hygiène, à lui tout seul. Son coin préféré, près d'une rivière, en plein air, ramenant la verdure à l'humain, lui permet de se régénérer pour affronter les longues heures en officine. Là où il s'évertuera à conseiller les patients, à les calmer, les rassurer… Car pour lui le seul message empreint d'espoir et d'amour devant cette pandémie est celui de la détermination à résister au changement. Pour lui, tout le monde devra en faire autant, y compris ses compatriotes marocains. Sa devise : «rester fort et calme à la maison». Jamal Ryane, président de l'Observatoire Communication et Migration à Amsterdam, précisera, de son côté, que «la Hollande a adopté un confinement différent des autres pays. Les autorités l'ont adopté, certes, mais sans exigence d'une autorisation de sortie pour les citoyens. Ces derniers sont responsables de leurs actes, c'est-à-dire dans le respect des mesures de sécurité. Seule l'urgence justifie les sorties des uns et des autres. Les seules personnes qui sortent sont celles rattachées aux activités médicales ou de la communauté publique. Les enfants de ces corps professionnels sont accueillis dans les écoles compte tenu de la fonction d'un de leurs parents». L'homme travaille depuis chez lui, grâce aux réseaux sociaux. Ses sorties se limitent à son jardin ! Concernant la communauté marocaine aux Pays-Bas, la solidarité est le maître mot. Elle se manifeste, entre autres, par la sensibilisation quant aux mesures d'hygiène à prendre pour lutter contre le Covid-19. L'action encourage aussi les achats en ligne pour éviter les déplacements et la manipulation de billets de banque. Bref, pour le militant, «la liberté individuelle est devenue contrôlée car il en va de la santé des individus». Et c'est bien dans ce sens qu'il conseille vivement aux Marocains d'en faire autant pour se préserver. Radouan Bachiri, journaliste freelance et CEO d'une agence de communication, est installé depuis plus de 20 ans à Bruxelles (Belgique). Avec la pandémie, ses activités se sont réduites de 80% compte tenu des annulations ou reports des événements. Sous sa casquette de journaliste freelance indépendant, il est par contre sollicité par les médias internationaux pour livrer des éléments sur la situation actuelle en Belgique. Son message est clair en direction de la communauté belge et de l'ensemble de l'humanité : «Le plus grand service que l'individu peut apporter en ce moment est de respecter les mesures d'hygiène mises en place par les différents gouvernements en plus du confinement imposé». Dans son quotidien, le jeune homme a vite fait de réaménager sa vie car sa femme travaille dans le domaine médical. Les tâches ménagères et le suivi des enfants sont ainsi départagés en fonction de la présence de chacun dans le foyer. L'Etat belge ayant opté pour le maintien de l'ouverture d'une école dans chaque ville, pour les enfants du personnel médical, Radouan organise donc sa vie en fonction de l'emploi du temps de ses deux filles. Au début c'était difficile mais avec l'habitude, les réflexes se sont mis en place. Cet originaire de l'Oriental se déplace très rarement à l'extérieur. Pour lui, c'est une question d'organisation et il s'agira de s'adapter à cette situation, le temps que cela passe. Ahmed Benbouzid Jerrari dirige le Réseau Micro Entreprendre. Ce natif de Tiznit est installé avec sa petite famille à Montréal au Canada. Depuis le début de la pandémie, son activité professionnelle qui consiste en l'accompagnement des petites entreprises et travailleurs autonomes en matière de financement a très vite basculé en mode gestion de crise. Les communications s'effectuant toutes en vidéoconférence à travers les 16 organisations du Réseau dans l'Etat du Québec. Un point hebdomadaire a été mis en place. Avec le confinement instauré, la vie s'effectue normalement pour Ahmed mais en délocalisé… L'Etat étant plus dans la sensibilisation que dans le contrôle, le confinement n'impose pas d'autorisation de sortie comme au Maroc… Les messages de sensibilisation sont diffusés en continu. Les informations aussi. Sa voix laissera, pourtant, paraître quelques inquiétudes face au manque d'équipements en masque, en gants ou en tests même si c'est le cas partout ailleurs… «Le Canada vit cette situation aussi bien qu'il essaye de s'organiser pour passer à la fabrication locale ; ce qui risque de prendre du temps», déplore Ahmed. Toujours est-il que la manne levée par le gouvernement frôle les 200 milliards de dollars canadiens ! Ce fonds servira au financement des programmes sociaux, des prestations d'urgence et bien sûr des personnes ayant perdu leur emploi ou les entreprises en difficulté. «Nous n'avons jamais vu une levée de fonds d'une aussi grande ampleur», fait remarquer Ahmed qui ne se fait aucun souci quant à la prise en charge de la communauté marocaine résidant au Canada, vulnérable. Sa voix a retrouvé une éclaircie. La voix d'un conférencier qui ne passe pas inaperçue dans la communauté de la petite entreprise montréalaise… Enfin, le mot d'ordre, pour lui, en direction des Marocains du Maroc, c'est la discipline. «Ce n'est que de cette manière que le Maroc pourra contenir la pandémie et éviter la contagion à grande échelle trop difficile à gérer compte tenu des capacités sanitaires. La responsabilité est à la fois collective mais aussi individuelles». Le message de Ahmed Benbouzid est on ne peut plus clair. Lui qui vient régulièrement au Maroc passer ses vacances d'été aspire justement à revoir après la pandémie les rues animées, les habitants heureux, le tourisme et les autres activités reprendre… Originaire de Tanger, Abderrahim Ouadrassi est président de la société Saifhôtels et propriétaire et gestionnaire d'hôtels aux îles de Majorque et Menorca (Iles Baléares). Depuis la pandémie, les activités sont entièrement à l'arrêt. Pour lui, cette crise sans précédent sur le secteur hôtelier et touristique d'une manière générale va avoir des impacts très importants sur l'économie espagnole. Le post covid-19 imposera d'élaborer de nouvelles stratégies marketing et de mettre au centre la sécurité sanitaire. C'est le bon moment de remettre en question les processus actuels. La réorientation des stratégies en tenant compte de l'environnement est pour lui fondamentale. L'entrepreneur s'est vite adapté au télétravail au grand bonheur de son fils avec qui il peut partager plus de temps. Au menu, le suivi des travaux scolaires ! Et pour ne pas être trop affecté, l'homme fera comme dans «La Vie est belle», histoire de dédramatiser la situation… «Cette crise bouscule les paradigmes. La pyramide est inversée. La science se trouve au-dessus, l'économie en dessous»… L'hôtelier rappelle que la vie passe avant toute chose. Pour lui, le gouvernement marocain s'est surpassé et a été ferme dans ses décisions ; ce qui est très important. «C'est une décision difficile pour les Marocains qui sont de nature joyeuse mais d'ici je voudrais leur dire que nous voulons vous voir tous en bonne santé et forts, alors s'il vous plaît respectez le confinement! ». Tout est dit… Fettouma Lotfi, résidant depuis près de 8 ans à Istanbul, vit quant à elle doublement le choc de la pandémie. Son mari turc a perdu presque les 3 quarts de son investissement en actions en raison de l'effondrement des cours boursiers. Impuissante, la jeune femme l'est aussi à l'égard de ses parents, âgés et tous les deux alités. Au moment où les frontières marocaines se sont fermées, elle s'apprêtait justement à rentrer au pays pour leur rendre visite… Aujourd'hui, elle prie que cette pandémie cesse pour qu'elle puisse les rejoindre… En attendant, son quotidien se résume à faire le ménage, la cuisine, les courses et surtout scruter les informations du monde entier ; seul lien avec le reste du monde. Forte de caractère, elle veut paraître zen. Elle dort en pensant à un autre lendemain. Mais la réalité du lendemain est encore plus amère surtout que même son activité, domiciliée au Maroc, s'est arrêtée depuis plusieurs mois. L'importation de prêt-à-porter commençait déjà à être vouée à l'échec mais la crise sanitaire aura vite fait de stopper les transactions tous azimuts. Son angoisse, son inquiétude et son désarroi ; elle ne les montrera pas. Fettouma est de nature très généreuse et a toujours su faire preuve d'empathie. Il ne lui a pas fallu longtemps, cela dit, pour se confier et envoyer les réponses ‘'to the go'' en français ou en anglais, au gré de la décharge d'adrénaline. On aurait dit que la dame n'attendait que le moment pour se confier tant son introversion pèse sur elle ! La vérité est amère. Mais elle continuera à espérer de voir bientôt un monde meilleur. Au quotidien, elle s'emploie à regrouper les courses des voisines âgées et de sa belle-mère, histoire de remplir son cerveau de choses factuelles. Mais la nuit la guettera pour lui rappeler que le monde a changé… Son sentiment est tel. Et son authenticité marquera les esprits. Son déchirement aussi. Ali Jiar, lui, vit à Sevran en France. Ingénieur à Microsoft, il est cofondateur de la fondation franco-marocaine Les 3 voix de l'Espoir et maire adjoint de la ville. Son message de cœur : «Notre monde vit une crise historique qui bouleverse les habitudes des Français mais également celles de plus de 3 milliards d'êtres humains sur terre, appelés à se confiner pour se protéger de ce coronavirus. Quelles que soient la richesse, l'origine ou la religion, le virus touche en plein «cœur», sans faire de différence. Pour la première fois de notre histoire, malgré le confinement, nous voyons une chaîne de solidarité et de fraternité se former pour aider le personnel soignant, ses voisins, les personnes âgées ou malades. Cette épreuve aura montré que la valeur qui doit prédominer sur terre est sans doute celle de se rappeler que l'on est avant tout frères en humanité. Le monde regarde pour la première fois dans la même direction pour sauver l'humanité, qu'il en reste les plus belles valeurs qui nous ont façonnés : l'amour». Il y a quelques jours, Ali réceptionnait à la mairie de Sevran des masques de la région Ile-de-France. Ces derniers seront distribués au personnel médical de la ville. Une action parmi tant d'autres rappelant que la logistique est essentielle. Ali y œuvre pour contribuer à la ville.