Le Maroc avait fait des prévisions trop optimistes en matière de coûts d'énergie. A, désormais, 58 dollars le baril de brut, la facture sera salée et la copie est à revoir. Mohamed Boutaleb qui annonçait, début mars, devant la commission des secteurs productifs de la Chambre des représentants, que le Maroc disposait d'une réserve de 90 jours en matière de couverture énergétique, devrait sûrement revoir sa copie. En un mois, le brut qui dénotait une tendance au repli vers la fin du premier trimestre de l'année 2005, s'est de nouveau envolé vers des sommets jamais atteints. L'éventualité d'un baril à 100 dollars, évoqué par une grande banque d'affaires, se rapproche. Le cap historique des 58 dollars a été atteint, lundi, sur le marché de New York. Dans le même temps, le dollar est passé de 1,32 euro à 1,28. Un casse-tête pour Mohamed Boutaleb dont le département a la terrible charge de communiquer les prix tous les quinze jours. Même silence conjoncturel auprès du ministère des Finances qui avait établi des prévisions de croissance dans la Loi de Finances 2005 sur la base d'un baril à 35 dollars et d'une tonne de gaz butane à 340 dollars. Des hypothèses trop optimistes puisque depuis le début de l'année 2005, le baril est au dessus de la barre des 40 dollars et la tonne de butane évolue autour de 460 dollars. Pour soutenir les cours du pétrole et du butane, l'Etat débourse 700 millions de DH chaque année. Sur la base d'un baril à 40 dollars, l'effort atteindra 5,9 milliards de dirhams en 2005. Or, aujourd'hui, la Caisse de Compensation ne dispose plus de budget. Le 1,2 milliard de recettes qui animaient ce mécanisme ne suffit plus à la subvention du gaz butane. Depuis 2000, le système d'indexation est suspendu. «Aujourd'hui, d'après un haut fonctionnaire de l'Etat, il y a pour le seul butane, un gap permanent de 2 milliards de dirhams !». Toute décision, poursuit-il, est désormais politique, sachant que l'Etat ne pourra pas soutenir indéfiniment les cours. Rappelons qu'en 2004, l'Etat a dépensé 3 milliards de dirhams pour soutenir les cours. Ce qui n'a pas empêché une hausse du prix de certains combustibles, notamment le gasoil (20 centimes par litre), et l'essence (30 centimes par litre). Contrairement aux envolées des prix enregistrées durant l'hiver dernier, à cause des pics de consommation du butane en cette période, ces nouvelles hausses sont imputées à une probable pénurie d'essence sur le marché américain cet été, pénurie expliquée par un problème de capacité de raffinage. Aussi, pour beaucoup d'observateurs, l'annonce de l'OPEP d'une éventuelle hausse de sa production de 500 000 barils par jour ne pourra pas à elle seule briser la dynamique. Pour le directeur exécutif de l'Agence internationale de l'énergie (AIE), Claude Mandil, interviewé par le quotidien britannique “Financial Time”, les causes de la hausse sont à rechercher ailleurs. «Le marché du pétrole ne fonctionne pas bien parce que la demande ne réagit pas suffisamment aux signaux des cours ». Et d'ajouter : «Toute subvention perturbe le marché et envoie un mauvais signal, car les matières premières paraissent moins chères qu'elles ne le sont». En clair, pour cet expert, pour baisser les cours, il faut agir non pas sur l'offre comme l'a fait l'OPEP, mais sur la demande. Pour cela, les pays importateurs de pétrole doivent cesser dès que possible de subventionner les prix du pétrole. La panacée a déjà été appliquée durant ces dernières semaines par certains pays en développement. La Chine, l'Indonésie et la Malaisie, ensemble qui représentera cette année 40% de la hausse de la production mondiale de pétrole, ont réduit leur subvention sur l'essence entre 6 et 30%.